par Benjamin Mallet et Jean-Michel Bélot

Pour conclure la plus importante acquisition de son histoire, qui devrait être finalisée fin 2008 ou début 2009, EDF a dû modifier son offre initiale - rejetée en juillet par certains actionnaires du groupe britannique.

Il a cette fois obtenu le soutien du conseil d'administration de l'opérateur de centrales nucléaires et celui, renouvelé, du gouvernement britannique (35% du capital).

"Cette opération est une formidable opportunité pour EDF pour deux types de raisons : cela renforce notre leadership en confirmant notre vocation à être le leader dans le renouveau du nucléaire et cela conforte et développe notre implantation au Royaume-Uni", a déclaré lors d'une conférence de presse Pierre Gadonneix, P-DG du groupe français.

British Energy (BE) est le premier exploitant nucléaire au Royaume-Uni avec 8 centrales et produit près de 16% de l'électricité consommée en Grande-Bretagne, considéré par EDF comme le pays le plus prometteur en termes de développement du nucléaire et où il compte construire quatre centrales de nouvelle génération (EPR) à l'horizon 2023-2025.

"Nous avons acheté des terrains qui nous permettaient, sans British Energy, de créer un EPR. La situation avec British Energy, c'est quatre EPR", a souligné Vincent de Rivaz, directeur général d'EDF Energy, filiale du groupe au Royaume-Uni.

Pour Pierre Gadonneix, l'opération permettra également à EDF d'avoir "accès directement à l'essentiel des compétences nucléaires en Grande-Bretagne".

Le groupe français est en outre en discussion avec le groupe britannique Centrica pour lui rétrocéder 25% de BE dans quelques mois.

IMPACT POSITIF SUR LE RESULTAT EN 2009

L'opération a été bien accueillie à la Bourse de Paris, où l'action EDF gagnait 3,89% à 52,10 euros vers 13h50, alors que celle du groupe britannique progressait de plus de 6%.

Dans un communiqué, Matignon a salué "une étape importante dans le développement international d'EDF".

EDF a indiqué avoir entièrement sécurisé le financement de l'opération, avec un prêt de 11 milliards de livres obtenu auprès d'un groupement de sept banques.

Il a ajouté que l'acquisition de BE serait relutive dès 2009 et que l'impact positif serait à "deux chiffres" dès 2010, avec des synergies d'environ 220 millions d'euros sur trois ans.

Cette offensive confirme les ambitions internationales du géant français de l'électricité, qui a surenchéri il y a peu sur l'offre présentée par le fonds Berkshire Hathaway de Warren Buffett sur le groupe américain Constellation Energy Group, dont le français détient 9,5% des parts.

"Nous avons la flexibilité financière pour bouger. Ceci étant, ma conviction et mon option aux Etats-Unis, c'est de travailler avec un partenaire américain. Nous ne souhaitons pas être seuls, ça a été le cas jusqu'à aujourd'hui avec Constellation, mais il y en a d'autres qui se sont manifestés et nous sommes ouverts à dialoguer avec eux", a déclaré Pierre Gadonneix.

EDF a également souligné qu'il disposerait encore de marges de manoeuvre financières après l'acquisition de BE, avec un ratio dette nette sur Ebitda proche de 2 en cas de financement intégral de l'opération.

Natixis, qui a relevé sa recommandation à achat (contre alléger) à la suite de cette offre, estime que cette opération a "un grand sens industriel" même si elle est dilutive de 1,2% sur le bénéfice par action 2008 et neutre sur ceux de 2009.

Cette opération, écrit l'analyste Céline Chérubin, permet "de cimenter les performances opérationnelles de l'électricien outre Manche" et à "moyen terme de bénéficier de l'avance permise par BE dans la relance du nucléaire britannique".

"RELATIVEMENT COUTEUX"

Un autre analyste, qui a requis l'anonymat, estime de son côté que l'opération est "relativement coûteuse". "Toutefois, au regard des synergies à tirer à court terme de l'amélioration du mix énergie au Royaume-Uni, de la vente potentielle (d'une part) à Centrica et d'autres cessions d'actifs, c'est OK. Mais, stratégiquement, je ne suis pas très impressionné."

EDF a précisé qu'il donnerait automatiquement suite à son offre s'il obtenait 75% du capital, avec la possibilité d'abaisser éventuellement ce seuil à 50% plus une action.

Le groupe français offre de racheter BE pour 774 pence par action en numéraire, soit 9 pence de plus que ce qu'il aurait offert précédemment selon plusieurs articles de presse, et une prime de 8,2% par rapport au cours moyen du titre sur les six derniers mois.

Il propose également une offre alternative à 700 pence par actions également en numéraire, assortie de certificats de valeur conditionnels (CVR en anglais), qui permettront aux actionnaires qui choisissent cette option de recevoir chaque année pendant dix ans un paiement conditionné à la réalisation d'objectifs de production.

Le groupe revendique d'ores et déjà le soutien d'actionnaires représentant 45,16% du capital de BE.

Avec la contribution de Nathalie Meistermann, édité par Jacques Poznanski