Après avoir décroché de 5% hier, Eni cède 0,46% à 17,35 euros ce mardi à la reprise de la Bourse de Milan, six heures après l'horaire habituel, des difficultés techniques ayant empêché la place financière italienne de coter. Le marché s'inquiète des conséquences de la crise libyenne sur la compagnie pétrolière italienne. Cette dernière a annoncé lundi avoir débuté l'évacuation de ses salariés "non essentiels" expatriés en Libye ainsi que des familles de tous ses salariés dans le pays en raison des violences.

Présent depuis 41 ans dans le pays de Mouammar Kadhafi, Eni est de loin le groupe le plus sensible au risque géopolitique : 13,8% de sa production globale (selon les données publiées en 2009) est réalisé en Libye.

Au total, 34,4% de la production de la compagnie transalpine est issue des pays du Proche-Orient. Derrière la Libye, l'Egypte pointe en seconde position (13%).

"L'Italie, et particulièrement Eni, sont fortement exposés à la Libye et pourraient perdre gros si les affaires s'arrêtaient", a commenté Nicolo Sartori, chercheur de l'Institut des affaires internationales. "Les intérêts d'Eni dans l'exploration-production sont considérables dans cette zone", a-t-il précisé.

A cet égard, Cheuvreux souligne que la Libye représente 43% de la production du groupe en Afrique du Nord et 17% de la valeur de la branche E&P. Selon les estimations du broker, l'impact d'un arrêt de la production en Libye pourrait coûter un maximum de 8 milliards d'euros, soit 2,2 euros par action.

Pour autant, les craintes sur les volumes sont à nuancer, prévient Oddo Securities. Le bureau d'études note qu'Eni a annoncé le 16 février, juste avant l'intensification des tensions en Libye, la cession à Gazprom de la moitié de sa participation de 33,3% détenue dans le gisement Elephant (situé au sud-ouest du pays).

"Au delà des risques d'interruption sur la production, le marché craint des attaques sur les infrastructures (une possibilité à ne pas écarter, même si la Libye n'est pas comparable au Nigéria, et possède notamment une culture pétrolière bien ancrée) ainsi que des risques de nationalisation d'actifs à plus long-terme (des craintes classiques lorsque des tensions géopolitiques surgissent, mais qu'il convient de relativiser étant donné l'expertise apportée par les compagnies pétrolières internationales, indispensable pour la production du pays, déterminante dans son PIB)", écrit Oddo.

Par ailleurs, la société de Bourse souligne que les incertitudes sur les volumes ne doivent pas masquer le potentiel de révision en hausse des résultats sur fonds de hausse des prix. Elle rappelle en particulier qu'une hausse des prix du brut de 5 dollars le baril a un impact de l'ordre de 3,5% sur l'EBIT d'Eni (toutes choses égales par ailleurs).

"A court-terme, le titre pourrait rester volatil compte tenu de l'instabilité géopolitique, mais nous pensons qu'un fort rebond ne doit pas être écarté si jamais le régime Kadhafi devait être renversé
rapidement (cf. réaction boursière similaire suite à l'annonce du départ de Moubarak en Egypte).

Fort de ce raisonnement, Oddo a réitéré son opinion Achat et son objectif de cours de 23 euros sur Eni.