Alexandre Fraichard, si l’on s’en réfère à la baisse du cours de plus de 10% depuis son annonce, les investisseurs ont fraichement accueilli les perspectives de GenOway. Sont-ils selon vous déçus par les perspectives à court terme, sachant que les objectifs du plan 2019-2024, à savoir 30 M€ de CA en 2024 pour un Ebitda supérieur à 25%, ne seront pas atteints, ou bien par les perspectives à horizon 2028 ?

"Il faut relativiser la réaction du cours de Bourse : il avait bien progressé les jours précédents l’annonce du plan et le nombre de titre échangés est resté limité. Nos objectifs ambitieux fixés il y a 5 ans dans le cadre de notre plan stratégique 2019-2024 se sont pleinement matérialisés. Nous avons d’ores et déjà plus que doublé notre chiffre d’affaires par rapport à la première année du plan, ce qui représente une croissance annuelle moyenne de plus de 20% par an au cours des quatre dernières années. Dans le même temps, nous avons fortement amélioré notre profitabilité avec une marge d’EBITDA supérieure à 15% depuis 2022 et attendue significativement au-dessus de 20% en 2023. La capacité de notre nouveau business model, basé sur la construction d’une offre de modèles Catalogue, à délivrer une belle croissance et une forte rentabilité ayant été démontrée, nous lançons un nouveau plan Route50+. Nous faisons désormais clairement le choix d'accélérer la croissance tout en maintenant un niveau de marge brute supérieure à 50% et identique à la marge qui sera réalisée en 2023. La diminution de la marge d'EBITDA résultera donc uniquement des investissements conséquents que nous engageons au niveau commercial et R&D afin de structurer la société pour permettre à court, moyen et long terme une croissance organique de 20% par an et d’atteindre un minimum de 50 M€ de CA en 2028. Avec notre niveau de rentabilité, minimum 15%, la création de valeur provient de la croissance de la top line. A chaque doublement du CA, le montant d’EBITDA double. C’est la logique de Route50+ : une forte croissance rentable pour une forte hausse de la valeur de la société."

Pouvez-vous détailler le volet investissement et financement de Route50+ ?

"Nous allons fortement investir dans les équipes, ce qui a peut-être manqué à la croissance au cours des derniers semestres. Aux 129 collaborateurs présents au 31/12/2023, dont 1/3 de docteurs, nous comptons ajouter 50 personnes sur les 24 prochains mois. Les recrutements seront concentrés sur les fonctions R&D, qui pèsent 25% du CA, et commerciales avec un quasi triplement pour atteindre près de 20 commerciaux d’ici 2028. Nous avons en effet besoin de davantage de forces commerciales pour conquérir la clientèle de laboratoires pharmaceutiques et sociétés biotechnologiques aux Etats-Unis et sur les principaux marchés européens. En termes d’investissements immobilisés, l’enveloppe annuelle devrait continuer d’avoisiner les 2 M€ auxquels pourraient s’ajouter d’ici 2025/26 un investissement immobilier de 8-9 M€ correspondant aux besoins d’agrandissement de notre site de production. Compte tenu de la trésorerie disponible, supérieure à 5 M€ à fin 2023, et de notre capacité d’emprunt bancaire pour financer l’agrandissement de nos locaux, notre levier d’endettement devrait rester inférieur à une fois l’Ebitda d’ici 2028, toujours à périmètre comparable."

Notez-vous des évolutions dans le rythme de croissance de votre marché et dans votre paysage concurrentiel ?

"Nous restons sur des marchés de niche qui restent porteurs car liés aux investissements des laboratoires pharmaceutiques. Nous avons toujours trois concurrents Chinois fidèles à leur stratégie prix/volumes grâce à des coûts de main d’œuvre plus compétitifs, et deux acteurs américains bien établis mais peu innovants. Avec 20 M€ de chiffre d’affaires, nous devons avoisiner les 10% de parts de marché mondial des modèles humanisés pour les études précliniques dans le domaine de l’immuno-oncologie. Par ailleurs, nous nous sommes positionnés depuis 2 ans sur le marché des modèles cellulaires, beaucoup plus gros car de l’ordre de 5 milliards d’euros, avec une réelle volonté d’étoffer notre catalogue de modèles plus prédictifs qui apporteraient une amélioration forte à la fiabilité des données précliniques qu’ils produisent. Le marché accessible devant nous reste très important et justifie notre stratégie de croissance."

Faut-il s’attendre à une acquisition et un appel au marché de la part de GenOway dans les années à venir ?

"Au-delà de notre plan de croissance organique Route50+, qui doit nous amener à réaliser 50 M€ de chiffre d’affaires d’ici 2028, sans avoir recours à une augmentation de capital, nous recherchons des briques technologiques déjà disponibles sur le marché. La difficulté est de discerner celles qui nous permettront d’apporter des services complémentaires véritablement créateurs de valeur pour nos clients. Une fois les bonnes cibles identifiées, la question se posera de la nécessité ou pas de faire appel au marché."

L’utilisation d’animaux et les questions éthiques qu’elle implique ne sont-ils pas la porte ouverte à une disruption de votre activité par l’intelligence artificielle ?

"L’intelligence artificielle s’appuie sur des données, et c’est en exploitant des données existantes que l’IA peut créer de la valeur. D’où le recours croissant à l’IA dans les phases cliniques où les données sont nombreuses et publiques. L’utilisation de modèles animaux ne se justifie que par le fait qu’aucun autre modèle de recherche (cellule, IA, …) ne fournit des données suffisamment complètes et fiables pour permettre de tester des molécules nouvelles chez des humains. L’histoire de notre industrie montre que la connaissance accrue d’une pathologie permet de réduire l’usage de modèles animaux, voire de s’en passer pour certains tests. A contrario, pour les innovations, l’inconnu est trop important. L’immunothérapie qui aujourd’hui guérit le cancer de certains patients est toujours tellement mal comprise que les modèles rongeurs restent essentiels. A noter que nos modèles plus fiables et plus prédictifs apportent aussi l’avantage de réduire les volumes utilisés. Dans notre domaine d’innovation médicamenteuse, l’IA n’a pas encore trouvé sa place par manque de données. Nous utilisons de plus en plus d’IA dans nos process industriels et nous recherchons proactivement des solutions pour les intégrer dans nos produits et solutions. Nous nous donnons les moyens d’être parmi les premiers à le faire et cela passera dans le futur par des partenariats ou des acquisitions ciblées, mais l’incertitude reste forte."

 

Répartition des 9,1 millions d’actions genOway (source : société)