par Michael Erman et Jui Chakravorty Das

Et même s'il parvient à mener à bien ce rachat, Dow, numéro un de la chimie aux États-Unis, risque d'être pénalisé car cette opération d'un montant de 15,3 milliards de dollars (10,9 milliards d'euros) creuserait fortement son endettement, soulignent des analystes.

Or le groupe prévoyait de rembourser une part importante de ces dettes grâce au produit de sa coentreprise avec le groupe public koweïtien Petrochemical Industries, estimé à neuf milliards de dollars.

Des analystes estiment que Dow pourrait donc désormais se voir pressé de renégocier le rachat de Rohm & Haas, voire d'y renoncer.

Cette acquisition, annoncée en juillet, vise à renforcer Dow dans la chimie de spécialités, considérée comme moins cyclique et plus rentable que la chimie de base. Son annulation obligerait Dow à verser à sa cible une indemnité de 750 millions de dollars.

Pour Hassan Ahmed, analyste de HSBC, Dow pourrait tenter de se retirer de l'opération avec Rohm & Haas car l'annulation du projet au Koweit l'obligerait à financer cette acquisition sur les marchés du crédit, particulièrement difficiles en ce moment.

Le projet koweïtien et le rapprochement avec Rohm & Haas constituaient les deux piliers du plan de transformation de Dow, ajoute-t-il.

"Puisqu'un pilier de cet édifice reposant sur deux piliers s'est effondré, comment peuvent-ils poursuivre le seul projet avec Rohm & Haas ?", s'interroge-t-il.

Pour pouvoir rompre l'accord avec Rohm & Haas, Dow devrait probablement prouver que sa cible a subi "un événement défavorable important" depuis la signature.

DOW SOUFFRE DÉJÀ DE LA RÉCESSION

Dans le passé, Dow a déclaré qu'il renoncerait à racheter Rohm & Haas s'il ne recevait pas les capitaux générés par la coentreprise koweïtienne. Il s'est refusé à tout commentaire sur le sujet lundi.

Dans un communiqué publié dimanche, Rohm & Haas a déclaré que la clôture de son rachat par Dow n'était pas conditionnée à la réussite du projet de co-entreprise au Koweït, et assuré qu'il continuait à travailler en vue de terminer le rapprochement entre les deux groupes, comme prévu, début 2009.

Dow, comme d'autres entreprises du secteur de la chimie, souffre de l'impact de la récession dans la plupart des économies développées et du ralentissement marqué des grands pays émergents. Le groupe a annoncé ce mois-ci la fermeture de 20 sites et la suppression de 5.000 emplois.

La rupture de l'accord par le Koweit pourrait obliger l'émirat à lui verser 2,5 milliards de dollars d'indemnités. Mais Sergey Vasnetsov, analyste de Barclays Capital, estime que le groupe américain ne recevra au mieux qu'une petite partie de cette somme car il devra consentir des sacrifices pour maintenir de bonnes relations avec le Koweit.

À la Bourse de New York, l'action Dow Chemical chutait de 18,5% à 15,42 dollars en fin de séance tandis que le titre Rohm & Haas dégringolait de 14,9% à 54,05 dollars. L'accord de rachat de juillet a été conclu sur la base d'un prix de 78 dollars par action.

L'agence de presse officielle koweïtienne Kuna avait rapporté dimanche que le Conseil suprême du pétrole avait décidé d'annuler le contrat qui scellait la naissance de la JV K-Dow Petrochemicals.

Une partie du parlement koweïtien s'était opposée à cet accord au motif que la co-entreprise n'était à leurs yeux plus économiquement viable en raison de la crise financière et de la forte chute des ventes dans le secteur pétrochimique.

Version française Gilles Guillaume et Marc Angrand