par Bill Rigby

SEATTLE, 21 octobre (Reuters) - Avec l'explosion des données informatiques, les constructeurs de superordinateurs retrouvent une nouvelle jeunesse à l'image de l'américain Cray, dont le cours de Bourse a presque doublé en l'espace d'un an.

Pionnier des supercalculateurs dans les années 1970, Cray a failli sombrer il y a 20 ans mais c'est paradoxalement la révolution de l'informatique mobile, source d'un foisonnement de données, qui contribue à lui offrir une deuxième vie.

"Il y a cinq ans encore les superordinateurs relevaient du cliché. Les gens pensaient pouvoir tout faire avec leur portable", affirmait récemment Barry Bolding, vice-président de Cray, au siège du groupe à Seattle. "Cela était peut-être vrai à un moment donné mais la croissance des données a tout changé. Pendant qu'on cause ici, des exabytes de données sont en train d'être créés".

Les experts estiment que 2,5 exabytes - soit 2,5 milliards de gigabytes - de données sont générées chaque jour, et la capacité du monde pour les conserver double tous les 40 mois.

Pour Cray, c'est tout bénéfice. Un superordinateur classique du constructeur américain coûte dans les 500.000 dollars (365.000 euros) et a la taille d'un réfrigérateur. Les gros clients peuvent en regrouper 200 ou plus dans des supercalculteurs massifs qui valent des millions de dollars, tel le Titan acquis par le département américain de l'Energie.

Titan, achevé l'an dernier, est le troisième superordinateur le plus rapide du monde. Il occupe l'espace d'un parquet de basket-ball et peut réaliser plus de 20.000 milliers de milliards de calculs à la seconde.

La plupart des entreprises n'ont évidemment pas besoin de telles capacités et se satisfont de réseaux informatiques à haut débit ou d'informatique dématérialisée (cloud computing) pour gérer leurs données.

Mais l'avantage des supercalculateurs tient à leur capacité à réaliser un nombre énorme de calculs interconnectés en même temps, plutôt que consécutivement et sans connection, ce qui leur permet de proposer des simulations complexes ou de détecter des informations qui autrement seraient passées inaperçues.

Par exemple, les applications météorologiques sur les smartphones sont basées sur des modèles de calcul conçus sur superordinateurs. Ce sont eux aussi qui permettent à des firmes financières de détecter en quelques secondes des cyberfraudes.

LE MARCHÉ A DOUBLÉ EN 5 ANS

Grâce à ces nouvelles utilisations, Cray refait parler de lui.

Le groupe fondé en 1972 par Seymour Cray, le "père" des supercalculateurs - mais la firme a depuis changé de propriétaire à plusieurs reprises - a vendu en juin un de ses nouveaux XC30 pour 65 millions de dollars à une agence météorologique européenne qui était jusque-là une chasse gardée d'IBM.

Son cours de Bourse a progressé de 91% sur les 12 derniers mois, une hausse similaire à celle de son concurrent Silicon Graphics International dont le titre a pris 90%. Cray est désormais valorisé 36 fois le bénéfice estimé sur les 12 prochains mois, à comparer à un multiple de 19 pour SGI.

Les analystes tablent en moyenne sur un chiffre d'affaires de 519 millions de dollars cette année, en hausse de 23%, avec une marge brute de l'ordre de 34%. Le groupe, qui emploie un peu plus de 900 personnes, a une capitalisation boursière d'environ 940 millions de dollars.

Selon le cabinet de recherche IDC, le marché mondial des ordinateurs coûtant plus de 500.000 dollars a plus que doublé en cinq ans, passant de 2,7 milliards de dollars en 2008 à 5,6 milliards l'an dernier.

Le marché global du calcul à haute performance (HPC, high- performance computing) devrait croître de 7% par an jusqu'en 2017, soit une croissance bien plus forte que celle du marché des serveurs.

Le gouvernement américain, directement ou indirectement, a représenté les deux tiers du chiffre d'affaires de Cray l'an dernier, mais la société de Seattle compte bien conquérir d'autres clients.

L'an dernier, l'entreprise a créé une nouvelle filiale, YarcData (Yarc ou Cray à l'envers), spécialisée dans l'analyse de données multiples pour détecter des irrégularités. YarcData aide ainsi le gouvernement à détecter des fraudes dans les paiements des systèmes de prestations sociales Medicare et Medicaid, et compte déjà plusieurs clients dans le secteur privé. (Véronique Tison pour le service français)