Hu Zhao et Deng Jindong participent à un salon de l'emploi cette semaine à Pékin. Hu, un ancien ouvrier de 30 ans, recherche un emploi de bureau bien payé. Deng, responsable commercial chez Ping An, l'un des plus gros assureurs chinois, cherche de son côté à embaucher des commerciaux.

Tous deux incarnent à leur façon le changement révolutionnaire de modèle économique que les dirigeants de la deuxième économie de la planète appellent de leurs voeux.

La Chine prévoit un ralentissement maîtrisé de sa croissance qui doit permettre de réduire sa dépendance à l'investissement public, une politique qui a permis d'injecter des milliards de yuans dans l'économie mais a engendré de graves dysfonctionnements.

Le président Xi Jinping et le Premier ministre, Li Keqiang, espèrent pouvoir procéder en douceur à ce changement de modèle, sans provoquer une flambée du chômage.

Ils comptent pour cela développer le secteur des services, ce qui permettrait d'absorber la main-d'oeuvre ouvrière frappée de plein fouet par la hausse des fermetures d'usines.

"La faiblesse persistante du secteur manufacturier aura un impact sensible sur l'emploi", avertit Lian Ping, économiste en chef à la Banque des Communications de Shanghai.

FREINER LE CHÔMAGE

Alors que la Chine entend réorienter son économie, sa croissance à deux chiffres qui avait longtemps fait des envieux a une nouvelle fois marqué le pas au deuxième trimestre.

Pénalisé par le ralentissement de la demande hors de ses frontières et par un recul de l'investissement, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 7,5% au deuxième trimestre, après une expansion de 7,6% au trimestre précédent.

Le gouvernement ne semble pas pour autant s'inquiéter de ce ralentissement et se refuse à communiquer le taux de croissance qu'il juge nécessaire pour prévenir une brusque hausse du chômage, possible source de grave instabilité sociale. Les économistes tablent sur un niveau de croissance d'au moins 7%.

Ils estiment que le chômage, plutôt que la croissance, sera désormais le principal moteur de la politique du gouvernement.

Le taux de chômage en Chine est officiellement de 4,1%, un chiffre que les économistes considèrent comme peu fiable étant donné qu'il n'a pas beaucoup varié ces dernières années, y compris en période de ralentissement prononcé.

Les économistes pensent que s'il venait à augmenter, le gouvernement serait contraint de ralentir le rythme des réformes et d'intervenir en injectant de nouveau de l'argent dans l'économie, comme il l'a fait en 2008 avec un plan de relance de 4.000 milliards de yuans (495 milliards d'euros).

CHANGEMENT DE MODÈLE

Pour Wang Yuehu, qui organise les salons de l'emploi à Pékin, le changement de modèle est déjà en marche. De plus en plus de gens trouvent aujourd'hui un emploi dans les services, à mesure que l'industrie manufacturière ralentit. "Dans l'ensemble, le marché du travail est stable", estime-t-il.

Les services, devenus en 2007 le premier secteur de production devant l'industrie, sont aussi le premier secteur de recrutement en Chine, avec 36% des emplois contre 30% pour l'industrie.

Mais le spectre du chômage de masse n'est pas loin.

L'effondrement des exportations chinoises pendant la crise financière de 2008-2009 avait ainsi laissé quelque 20 millions de travailleurs migrants sans emploi, poussant le gouvernement à lancer un gigantesque plan d'investissement, qui a laissé jusqu'à aujourd'hui de fortes dettes aux collectivités locales.

Les nouveaux dirigeants espèrent qu'ils n'auront pas à activer de nouveau ce levier à double tranchant et parient plutôt sur le changement démographique, notamment sur le vieillissement de la population, pour accompagner les réformes.

Certains signaux ne portent pourtant pas à l'optimisme.

Sept millions de diplômés, un record, doivent ainsi quitter cette année les bancs de l'université, alors que la proportion de ceux qui disposent déjà d'un contrat est la plus faible depuis des années, selon les chiffres du ministère du Travail.

Face à cette situation, le gouvernement a demandé aux entreprises d'Etat d'embaucher davantage de jeunes diplômés et a débloqué des subventions pour faciliter la création d'entreprise.

De nombreux ouvriers redoutent par ailleurs de ne pas réussir à se reconvertir dans le secteur des services, faute de diplôme dans le supérieur.

Hélène Duvigneau pour le service français, édité par Gilles Trequesser

par Kevin Yao