Yokohama (awp/afp) - Nissan convoquait mardi ses actionnaires pour valider un nouveau schéma de gouvernance, plus collective, aboutissement dans la douleur d'une réforme déclenchée par l'arrestation de son ancien patron Carlos Ghosn, accusé d'avoir abusé de son pouvoir à des fins personnelles.

Hiroto Saikawa, le directeur exécutif du groupe japonais, a ouvert la réunion à 10h00 locales (01h00 GMT) par des "regrets sincères" après le tumulte de ces derniers mois, et une révérence d'excuses de l'ensemble des administrateurs.

C'est la deuxième fois cette année que le constructeur de Yokohama (banlieue de Tokyo) tient une assemblée générale après celle, extraordinaire, du 8 avril, pour révoquer M. Ghosn. Mais depuis, l'ambiance s'est singulièrement alourdie.

La relation avec Renault, son premier actionnaire avec 43% de parts, est loin d'être au beau fixe. Le constructeur français avait même menacé de bloquer une des résolutions soumises au vote, mais les deux parties sont parvenues à un accord in extremis.

Pas de chaos en perspective donc. Renault votera bien la réforme, à la veille de l'arrivée au Japon du président français Emmanuel Macron, qui sera accompagné par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, pour délivrer un message clair: "l'attachement fort de la France à l'alliance" née il y a 20 ans.

Le président du groupe au Losange, Jean-Dominique Senard, mais aussi son directeur exécutif Thierry Bolloré, présents tous les deux mardi, siégeront, malgré les réticences de Nissan, au sein de deux des trois comités créés pour renforcer les contrôles internes (nominations, audit et rémunérations).

"Pas facile"

Le compromis trouvé n'effacera cependant pas les tensions de ces derniers mois entre les deux partenaires.

"Rebâtir un lien de confiance n'est pas facile", prévient Tatsuo Yoshida, spécialiste du secteur automobile chez Sawakami Asset Management. "Inclure un autre groupe et restructurer l'alliance pourrait peut-être arranger les choses, servir de catalyseur pour un nouveau départ", dit-il à l'AFP, en allusion à la possible extension du partenariat au groupe italo-américain Fiat Chrysler (FCA) après l'échec de la fusion envisagée avec Renault.

Les actionnaires sont aussi appelés à voter la nouvelle composition du conseil d'administration, profondément remanié et élargi à onze membres, dont sept administrateurs externes.

Dans cette mouture, un nom fait débat: celui de Hiroto Saikawa. Cet ancien fidèle de M. Ghosn - qui lui avait passé les commandes exécutives au printemps 2017 - veut rester à son poste pour sortir le groupe des embûches.

Mais déjà en avril, plusieurs petits porteurs avaient exprimé leur colère, évoquant sa responsabilité dans l'affaire, et ils devraient ce mardi répéter leurs accusations. L'influente société de conseil aux actionnaires, Institutional Shareholder Services (ISS), s'est aussi insurgée contre cette nomination, contraire à la volonté affichée par Nissan de "rompre avec le passé".

Saikawa en mauvaise posture

Outre les résultats financiers médiocres, M. Saikawa est fragilisé par de récentes allégations formulées par un ex-administrateur de Nissan, Greg Kelly, arrêté en même temps que M. Ghosn et limogé dans la foulée.

Dans une interview publiée par un mensuel japonais, ce dernier a rappelé que Hiroto Saikawa avait lui-même apposé sa signature sur un document avalisant une minoration de revenus de M. Ghosn, lequel est sous le coup de deux inculpations par la justice japonaise pour ce volet. Nissan a pour sa part été mis en examen, mais pas son patron.

Surtout, selon M. Kelly, M. Saikawa aurait en outre enfreint les règles de la compagnie pour s'offrir une propriété à Tokyo.

"Cet article a été un coup dur pour lui, il a donné l'impression que M. Saikawa n'est en réalité pas différent de M. Ghosn", souligne M. Yoshida, jugeant son pouvoir "menacé".

Avant le début de l'AG, des salariés distribuaient des tracts où l'on peut lire: "il n'y avait pas que Ghosn alors ? Y a vraiment un malaise avec la direction de Nissan".

Sur le front judiciaire, Carlos Ghosn, actuellement assigné à résidence à Tokyo, a participé lundi à une deuxième réunion de préparation de son procès, dont la date n'a pas encore été fixée mais qui, selon ses avocats, ne devrait pas se dérouler avant le printemps 2020.

afp/jh