par Anna Ringstrom et Sven Nordenstam

Agé de 55 ans, professeur d'économie à l'université de Princeton depuis huit ans, éditorialiste au New York Times et chroniqueur dans Foreign Affairs, il a publié une vingtaine d'ouvrages et plus de 200 articles en prenant soin de s'adresser aussi à un public non initié.

Dans "The Great Unraveling" paru en 2003 ("L'Amérique dérape"), il s'en prend à l'administration en place à Washington en critiquant son zèle en faveur de la dérèglementation et ses politiques budgétaires laxistes.

L'académie des sciences de Stockholm a récompensé ses travaux théoriques sur les rendements croissants et la concurrence imparfaite qui aident notamment à comprendre pourquoi certains pays dominent le commerce international.

Il figurait depuis longtemps sur la liste des favoris du Nobel, ce qui ne l'a pas empêché d'avouer sa surprise à l'annonce de cette nouvelle. "J'ai couru prendre une douche pour participer à la conférence de presse. J'ai appelé ma femme et mes parents. Je n'ai pas encore pris le temps de boire un café", a-t-il dit par téléphone.

En quelques mots, il a aussi évoqué la crise actuelle en se disant "un peu moins effrayé aujourd'hui que vendredi", après les mesures coordonnées annoncées au cours du week-end par les dirigeants des grandes puissances.

"Nous allons connaître une récession, sans doute prolongée, mais peut-être pas un effondrement", a-t-il ajouté.

ECONOMIES D'ECHELLE

L'Académie de Stockholm justifie l'attribution de son prix de 10 millions de couronnes (1,04 million d'euros) en soulignant que Krugman a formulé une nouvelle théorie qui permet de décrypter l'urbanisation du globe.

Il a ainsi intégré deux champs de recherche jusque-là séparés, la théorie du commerce international et la géographie économique, ajoute le comité.

"L'approche de Krugman se fonde sur l'hypothèse que de nombreux biens et services peuvent être produits pour un coût moindre sur une longue série, un concept généralement connu sous le nom d'économies d'échelle."

"Dans le même temps, les consommateurs demandent une offre variée de marchandises. En conséquence, la production à petite échelle pour un marché local est remplacée par une production à grande échelle pour le marché mondial, où se font concurrence des sociétés avec des produits similaires."

La théorie de Krugman explique pourquoi le commerce est dominé par des pays qui non seulement ont des situations comparables mais s'échangent aussi des produits comparables.

L'Académie prend l'exemple de la Suède, qui exporte mais aussi importe des voitures. "Ce type d'échange permet une spécialisation et une production à grande échelle."

Contrairement aux autres prix voulus par l'inventeur de la dynamite Alfred Nobel dans son testament en 1895, le prix "de sciences économiques de la Banque nationale de Suède en mémoire d'Alfred Nobel" a été institué en 1968 et décerné pour la première fois l'année suivante.

L'an dernier, il avait été décerné à trois autres chercheurs américains, Leonid Hurwicz, Eric Maskin et Roger Myerson, à l'origine de la "théorie des incitations" qui permet d'évaluer le fonctionnement des marchés.

Version française Jean-Stéphane Brosse