BERLIN/PEKIN, 12 avril (Reuters) - Les tensions commerciales entre Pékin et les Occidentaux concernant les aides publiques seront au coeur de la visite qu'entame samedi en Chine le chancelier allemand Olaf Scholz, avec l'objectif de réduire les risques sans froisser Pékin.

Les entreprises d'outre-Rhin, frappées par la récession, réclament un accès plus large et équitable au marché chinois, beaucoup trop protecteur à l'égard des sociétés nationales à leurs yeux, en dépit de promesses contraires.

De son côté, la Chine devrait inciter Berlin à ne pas se rallier aux mesures que l'Union européenne menace de prendre contre le "dumping" (vente à bas prix) imposé selon elle par Pékin sur les automobiles, les panneaux photovoltaïques ou encore les éoliennes.

Flanqué de ministres et d'une importante délégation patronale, Olaf Scholz devrait donc se livrer à un exercice délicat d'équilibriste conformément à ce qu'il préconise face à Pékin, "partenaire, concurrent et rival systémique" : une politique de "dérisquage" - réduire la dépendance de Berlin - sans aller jusqu'au "découplage" - renoncer aux échanges commerciaux.

"Les Européens doivent impérativement clarifier la manière dont ils se positionnent en tant que pôle entre les Etats-Unis et la Chine, et ne pas être broyés entre leurs conflits", plaide Maximilian Butek, président de la Chambre de commerce allemande pour l'est de la Chine.

"Il n'existe toujours pas de solution sur les moyens de protéger notre propre marché sans risquer de perdre en même temps nos activités en Chine."

"TOUTES LES PARTIES SONT MÉFIANTES"

Olaf Scholz doit se rendre à Pékin, Shanghai et Chongqing et rencontrer le président Xi Jinping et le Premier ministre Li Qiang lors de cette visite prévue jusqu'à mardi. Il sera accompagné de trois ministres et des dirigeants de certains des plus grands groupes allemands, comme Siemens ou Mercedes.

Berlin a fait savoir que cette visite était coordonnée avec les Etats-Unis, l'UE et la France. Sur le volet international, le chancelier allemand devrait soulever à nouveau la question du soutien chinois à la Russie.

"L'UE prépare des restrictions contre les exportations chinoises dans l'énergie renouvelable, avec semble-t-il la France à l'avant-garde", relève Shi Yinhong, professeur à l'Ecole des études internationales de l'Université Renmin, à Pékin.

"Inciter l'Allemagne - qui est encline à suivre ses alliés sur les restrictions commerciales mais reste lente et hésitante - à s'y opposer dans cette période est très important."

Dans une étude publiée cette semaine, l'Institut Kiel a estimé que les subventions versées par l'Etat chinois aux entreprises étaient trois à neuf fois plus élevées que celles de pays de l'OCDE comme l'Allemagne ou les Etats-Unis.

Mais une autre étude de l'Institut économique allemand a aussi souligné que les efforts de diversification des entreprises allemandes étaient notoirement insuffisants.

Pour Mikko Huotari, président de l'Institut Merics à Berlin, il s'agit de "ré-engager" et stabiliser les relations avec Pékin, l'Allemagne ayant selon lui un rôle spécial à jouer au sein de l'UE et s'opposant au principe de lourdes sanctions dans les litiges commerciaux.

"Je pense que toutes les parties sont méfiantes, donc la visite est vue comme un bon signe par les Chinois", juge Maximilian Butek, de la Chambre de commerce.

"Nous insistons sur l'ouverture des marchés parce que c'est essentiel à notre survie. La perte de ce marché serait plus lourde que les gains obtenus grâce à des droits de douane sur les biens chinois." (Jean-Stéphane Brosse pour la version française)

par Andreas Rinke et Laurie Chen