* Une compétition très indécise

* Beaucoup d'auteurs, pas de favori

* Brad Pitt et Nicole Kidman monteront les marches

par Wilfrid Exbrayat

CANNES, 14 mai (Reuters) - Après une édition 2011 particulièrement brillante, le 65e Festival de Cannes qui s'ouvre mercredi devra faire ses preuves au travers d'une compétition plus que jamais indécise et objet déjà d'une polémique.

Il est bien difficile de distinguer, parmi les réalisateurs en lice pour la Palme d'or, un favori qui succèderait, le dimanche 27 mai au soir, à Terrence Malick, lauréat l'an passé avec "L'Arbre de Vie" (The Tree of Life).

Des réalisateurs seulement, à la différence de l'an passé où quatre réalisatrices pouvaient également prétendre à la Palme d'or. Cette absence a suscité une volée de bois vert du collectif féministe La Barbe - dans une tribune publiée par Le Monde la semaine dernière - résumée en une formule lapidaire : "Aux femmes les bobines à coudre, aux hommes celles des Frères Lumière !"

A ceci près que le collectif semble restreindre la Sélection officielle à la vingtaine de films en compétition, alors qu'elle en comporte une soixantaine au total.

Des cinéastes telles que Catherine Corsini figurent bien dans la sélection officielle mais dans des sections non compétitives. Une seule femme a remporté la Palme d'or, la Néo-Zélandaise Jane Campion, en 1993 avec "La leçon de piano".

Depuis l'annonce de la sélection officielle, le mois dernier, cette dernière s'est enrichie de sept films, dont deux réalisés par des femmes - la Britannique Candida Brady et la Bosniaque Aida Begic - mais aucun ne figure dans la compétition arrêtée donc à 22 longs métrages.

LES GRANDS AUTEURS PRÉSENTS EN FORCE

Le président Gilles Jacob avait réaffirmé en avril, lors de la présentation de la sélection, que le Festival restait un événement enraciné dans la passion du cinéma et dans "ceux qui la portent: les grands auteurs".

De grands auteurs, cette 65e édition n'en manque pas. C'est si vrai qu'un réalisateur déjà "palmé", le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, verra son film projeté "seulement" en "séance spéciale", la compétition comportant déjà quatre de ses pairs venus briguer un second trophée : l'Autrichien Michael Haneke, l'Iranien Abbas Kiarostami, le Britannique Ken Loach et le Roumain Cristian Mungiu.

Si l'on ajoute Jacques Audiard, le Canadien David Cronenberg et le Brésilien Walter Salles, venus souvent traquer une Palme d'or qui pour l'instant leur a toujours échappé, le plateau du 65e Festival semble bien relevé.

La délégation française s'orne en outre de deux personnalités qui chacune passèrent pour des phares en leur temps, Alain Resnais et Leos Carax. Mais leurs dernières apparitions en compétition - 2009 pour le premier ("Les herbes folles"), 1999 pour le second ("Pola X") - n'ont passionné ni les foules ni le jury. Alain Renais reçut toutefois, en 2009, un "Prix exceptionnel pour l'ensemble de sa carrière et sa contribution à l'histoire du cinéma".

Il reste à voir ce que les Etats-Unis, revenus "relativement en force", comme l'observait le délégué général du festival Thierry Frémaux en avril, auront à offrir après la victoire de Terrence Malick l'an dernier.

Un réalisateur américain, Wes Anderson, inaugure la manifestation mercredi avec "Moonrise Kingdom". Deux autres suivront, Lee Daniels ("The Paperboy") et Jeff Nichols ("Mud"). Andrew Dominik, Néo-Zélandais de naissance, et l'Australien John Hillcoat viendront compléter une offre aux couleurs de la bannière étoilée.

Si l'on ajoute "Cosmopolis", de David Cronenberg, ce sont pas moins de six films sur 22 qui attesteront de la présence forte d'un cinéma plus généralement nord-américain cette année sur la Riviera française.

Le cinéma asiatique sera défendu par deux Coréens, Hong Sangsoo et Im Sang-soo, qui ont tous deux déjà tâté de la compétition. L'Italie, outre d'occuper la présidence du Jury avec Nanni Moretti, est également sur les rangs avec "Reality", de Matteo Garone, récompensé quatre ans plus tôt d'un Grand Prix pour "Gomorra".

L'Egyptien Yousry Nasrallah, le Russe Sergueï Loznitsa, le Mexicain Carlos Reygadas, l'Autrichien Ulrich Seidl et le Danois Thomas Vinterberg, un émule de Lars Von Trier loin d'être passé inaperçu en 1998 avec "Fête de famille", complètent l'arène.

DES STARS SUR LES MARCHES

Le "printemps arabe" et ses retombées suscitent déjà de nombreuses ÷uvres. Youri Nasrallah vient livrer sa propre réflexion avec "Après la bataille" cependant que, hors compétition, "Les chevaux de Dieu", film marocain du cinéaste français Nabil Ayouch, traite de la dérive islamiste de jeunes désoeuvrés.

"Le Serment de Tobrouk", un documentaire de Bernard-Henry Lévy, aura lui pour sujet la guerre civile en Libye. Le philosophe était venu en 1994 pour présenter "Bosna", documentaire sur une autre guerre civile, celle de Bosnie.

Cannes 2012 peut d'ores et déjà prévoir quelques montées des marches très animées, ne serait-ce que par la présence du couple de "Twilight", Robert Pattinson et Kristen Stewart, interprètes respectivement des films de David Cronenberg ("Cosmopolis") et Walter Salles ("Sur la route").

Des stars telles que Brad Pitt, que l'on retrouve dans le film d'Andrew Dominik ("Killing me softly"), et Nicole Kidman, qui apparaît dans deux films, feront également chauffer les objectifs des photographes.

Cannes déroulera enfin le tapis rouge pour un événement particulier. Sean Penn, président du jury en 2008, l'année où "Entre les murs" remporta la Palme d'or, viendra parrainer une soirée-collecte de fonds pour Haïti vendredi prochain. L'acteur américain avait fondé une organisation caritative immédiatement après le séisme qui avait touché Haïti en janvier 2010. (édité par Patrick Vignal)