PARIS (Reuters) - Les actionnaires de Stellantis se sont opposé mercredi à l'enveloppe salariale proposée au titre de 2021 pour la direction du groupe, dont la rémunération du directeur général Carlos Tavares qui a suscité une controverse en France en pleine campagne pour l'élection présidentielle.

L'enveloppe de rémunération des dirigeants du groupe né de la fusion entre PSA et FCA a été rejetée par 52,12% des voix, réunissant 47,88% de voix pour, lors de l'assemblée générale qui se tenait en visioconférence depuis le siège du constructeur automobile à Amsterdam.

Le vote, clos la semaine dernière, soit avant la controverse du jour, a seulement une valeur consultative.

"Nous tiendrons compte de ce vote qui, je le répète, est une recommandation", a dit le président de Stellantis, John Elkann, ajoutant que le groupe reste très attaché à un système de méritocratie récompensant la performance.

Stellantis a précisé par la suite qu'il expliquera l'an prochain, dans le rapport sur la rémunération 2022, "comment ce vote a été pris en compte."

En revanche, selon une source proche du dossier, la politique de rémunération au titre de l'année passée sera bel et bien mise en oeuvre.

"Le 'say on pay' néerlandais est comme celui qui était en place en France avant 2017, c'est un vote consultatif donc non contraignant pour le conseil. Et la société n'est pas tenue de modifier le rapport de rémunération qui a été rejeté", a déclaré Denis Branche, directeur général délégué de la société de gestion Phitrust, actionnaire minoritaire de Stellantis qui a voté contre le rapport de rémunération.

POLÉMIQUE

Le montant du salaire de Carlos Tavares a déclenché mercredi une polémique dans la classe politique française et chez certains syndicats.

Salué pour avoir redressé PSA puis réussi la fusion avec FCA, Carlos Tavares doit se voir attribuer au titre de l'exercice passé une rémunération d'environ 19 millions d'euros, dont 2 millions de salaire fixe et 1,7 million de prime exceptionnelle liée à la fusion, le solde étant constitué surtout d'éléments de rémunération variable liés à la performance.

Phitrust a estimé l'enveloppe totale de sa rémunération à 66 millions d'euros, en évoquant notamment une attribution d'actions gratuites pour un montant estimé à 32 millions d'euros et une rémunération de long terme pour un montant évalué à 25 millions d'euros.

Un porte-parole de Stellantis a démenti ce montant de 66 millions d'euros avancé par Phitrust, le qualifiant de "faux".

"La vraie rémunération au titre de 2021 est environ 19 millions d'euros. Le reste, ce sont des éléments hypothétiques sur le long terme, jusqu'en 2028", a précisé ce porte-parole.

Dans un contexte politique de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle dominé par le débat sur le pouvoir d'achat, le sujet a néanmoins fait réagir.

"C'est une rémunération qui est indécente et révoltante", a jugé sur RMC Jean-Pierre Mercier, délégué syndical CGT, troisième syndicat de PSA, tout en reconnaissant qu'en dépit des difficultés ayant émaillé l'année 2021, marquée notamment par une pénurie de semi-conducteurs et les répercussions de la pandémie de COVID-19, le groupe avait enregistré de solides résultats.

"Il est urgent que nos politiques prennent enfin de véritables mesures sur le plafonnement des salaires de nos dirigeants", a déclaré de son côté Christine Virassamy, représentante de la CFDT, cinquième syndicat de PSA, dans un tract. "Ces situations participent, et conduisent hélas, aux prises de positions extrêmes des citoyens lors des élections."

"CHOQUANT"

Interrogée en marge d'un déplacement en banlieue parisienne, Marine Le Pen a qualifié de "choquant" le montant de cette rémunération.

"C'est choquant, mais moins choquant que pour d'autres", a toutefois ajouté devant la presse la candidate du Rassemblement national, soulignant que "pour une fois", cette rémunération était associée à "de bons résultats".

Dans le camp du président sortant Emmanuel Macron, son adversaire du 24 avril, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a noté sur BFMTV et RMC que "c'est une entreprise privée et c'est à la fin les actionnaires qui décident et qui votent", soulignant cependant que cela montrait la nécessité d'une meilleure coordination européenne pour réguler et d'avancer sur la question du partage de la valeur dans les entreprises.

"Evidemment que ce ne sont pas des chiffres normaux", a-t-il ensuite précisé, à la mi-journée, à l'occasion du compte-rendu du conseil des ministres.

Invité dans la soirée de l'émission 'C à vous' sur France 5, le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno le Maire, a jugé "excessive" la rémunération de Carlos Tavares.

Cette position s'est traduite dans le vote de la banque publique d'investissement Bpifrance, troisième actionnaire de Stellantis avec 6,15% du capital, qui a indiqué avoir voté contre la rémunération de Carlos Tavares en assemblée générale, à la fois en 2021 et 2022.

(Reportage Gilles Guillaume, rédigé par Myriam Rivet et Gilles Guillaume, édité par Bertrand Boucey, Jean-Michel Bélot et Jean Terzian)

par Gilles Guillaume