PARIS, 21 mars (Reuters) - Emmanuel Macron s'exprimera mercredi à 13h00 (12h00 GMT) sur TF1 et France 2 après l'adoption de la très controversée réforme des retraites via le rejet de justesse d'une motion de censure qui fragilise le gouvernement d'Elisabeth Borne.

Le chef de l'Etat est resté en retrait depuis la présentation en début d'année du projet de loi qui repousse l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et la vive contestation qui a suivi dans la rue, ignorant les demandes des syndicats à être reçus à l'Elysée.

"Le président de la République a respecté les institutions, il y avait le temps du débat parlementaire (...) qui faisait que le président attendait que les débats se terminent pour pouvoir intervenir", a déclaré mardi sur RTL le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran.

Faute d'être assuré d'obtenir une majorité à l'Assemblée nationale pour faire adopter son texte, le gouvernement a recouru à l'article 49.3 de la Constitution et engagé sa responsabilité, provoquant de vives protestations au Parlement comme dans la rue où des manifestations spontanées ont parfois été émaillées de violences.

Deux motions de censure déposées dans le cadre du recours au 49.3 ont été rejetées lundi, dont une transpartisane menée par le groupe centriste Liot qui a échoué à seulement neuf voix près.

Le rejet de ces deux motions de censure entraîne l'adoption de facto du projet de loi par le Parlement mais le gouvernement d'Elisabeth Borne n'en apparaît pas moins fragilisé.

"Quand on voit qu'un tiers du groupe Les Républicains d'une droite qui se veut réformatrice n'a pas voulu soutenir la réforme et a même voté la motion de censure, c'est qu'il y a un moment politique compliqué", a reconnu mardi le ministre en charge des Transports, Clément Beaune, sur France Inter.

Inquiet des violences et des conséquences de la réforme dans l'opinion, le député Renaissance Patrick Vignal a demandé à Emmanuel Macron de "suspendre" le projet de loi sur les retraites et de ne pas promulguer le texte.

Dans l'attente de son intervention télévisée, le chef de l'Etat consulte, à commencer par sa Première ministre, reçue mardi matin à l'Elysée.

Une démission de celle qui a pris les rênes du gouvernement en mai dernier n'est pas à l'ordre du jour, a assuré Olivier Véran.

"Dans le contexte particulièrement difficile d'un 49.3 sur un texte particulièrement difficile comme la réforme des retraites, alors que nous n'avons pas la majorité absolue au Parlement, une majorité absolue de députés ont décidé de ne pas demander à la Première ministre de partir. On respecte aussi ce choix du Parlement", a dit le porte-parole du gouvernement.

"CE QUI VA SE PASSER"

Lors de son interview télévisée, Emmanuel Macron évoquera la réforme des retraites et devrait aussi "commencer à esquisser ce qui va se passer désormais", a déclaré Olivier Véran sur RTL.

Avant cela, le chef de l'Etat déjeunera mardi avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et recevra dans la soirée les parlementaires de la majorité présidentielle.

"Ce qu'on attend du président de la République, c'est qu'il dresse des perspectives, on a parlé d'un calendrier à trois, six mois", a déclaré lundi soir à Reuters Sacha Houlié, député Renaissance de la Vienne.

"On a des attentes sur des questions comme le grand âge, la répartition des richesses. Comment on s'adresse aux travailleurs qui sont directement concernés par la réforme des retraites", a-t-il ajouté.

Dans un entretien à Libération, le député de Paris et ancien "patron" du groupe Renaissance à l'Assemblée, Gilles Le Gendre, insiste sur la "gravité du moment" et invite le chef de l'Etat à proposer une "feuille de route" qui devrait à ses yeux être validée par référendum.

Désormais adoptée au Parlement, la réforme des retraites doit être validée par le Conseil constitutionnel, appelé à être saisi par la gauche et le Rassemblement national.

Elisabeth Borne va elle aussi saisir "directement" le Conseil, a indiqué lundi soir Matignon, afin que "tous les points soulevés au cours des débats puissent être examinés dans les meilleurs délais".

La contestation contre la réforme des retraites se poursuit aussi dans la rue où des incidents ont éclaté à Paris mais aussi à Lille, Strasbourg, Nantes et dans de plus petites villes.

L'intersyndicale a appelé à une nouvelle journée de grève et de mobilisation nationale programmée pour jeudi - la neuvième depuis le mouvement lancé en janvier par les syndicats dans un rare front uni.

Face à la grève reconductible dans les raffineries, qui bloque les livraisons de carburant pour la quatorzième journée consécutive, le gouvernement

a annoncé mardi

qu'il allait réquisitionner du personnel pour faire fonctionner le dépôt de carburant de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône.

(Rédigé par Blandine Hénault et Elizabeth Pineau, avec la contribution de Bertrand Boucey, édité par Kate Entringer)