Paris (awp/afp) - Un deuxième procès après une sanction sans précédent: la banque UBS est rejugée à partir de lundi à Paris, soupçonnée d'avoir illégalement démarché des clients et dissimulé des milliards d'euros d'avoirs non déclarés, deux ans après avoir été condamnée à une amende record.

Pour des fautes d'une "exceptionnelle gravité", le tribunal correctionnel avait condamné la banque, le 20 février 2019, à la plus lourde peine jamais infligée en France dans une affaire d'évasion fiscale: 3,7 milliards d'euros d'amende.

Le poids lourd mondial de la gestion de fortune avait immédiatement fait appel, se défendant d'avoir enfreint la loi et contestant "vigoureusement" une décision "étayée par aucune preuve concrète".

Prévu en juin 2020 mais reporté en raison de la pandémie de Covid-19, le procès doit s'ouvrir lundi et se tenir jusqu'au 24 mars avec, sur le banc des prévenus, la maison mère UBS SA, sa filiale française ainsi que six anciens cadres.

Les magistrats vont de nouveau se plonger dans un dossier emblématique de l'offensive contre l'évasion fiscale lancée dans le sillage de la crise financière de 2008 et qui a abouti à l'échange automatique de données, signant, sur le papier, la fin du secret bancaire suisse.

UBS est soupçonnée d'avoir, entre 2004 et 2012, illégalement envoyé ses commerciaux en France pour "chasser" de riches clients de sa filiale, lors de réceptions, tournois sportifs ou concerts, afin de les convaincre d'ouvrir des comptes non déclarés en Suisse.

Selon l'accusation, la banque avait mis en place une comptabilité parallèle, manuelle, pour masquer ces mouvements de capitaux transfrontaliers: les "carnets du lait" - un simple outil d'évaluation des "chargés d'affaires", soutient la banque, qui estime qu'aucun acte de démarchage n'est établi.

Fin 2015, quelque 4.000 clients d'UBS avaient régularisé leur situation auprès de la cellule de "dégrisement" ouverte en France, pour 3,7 milliards récupérés - sur un total estimé de 10 milliards d'euros d'avoirs dissimulés dans ce dossier.

Montants vertigineux

A l'issue du premier procès, le tribunal avait suivi les réquisitions du parquet national financier (PNF) en condamnant la banque pour démarchage bancaire illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale, dans un jugement aux montants vertigineux.

En sus de l'amende pour UBS SA - suspendue par l'appel - les juges avaient condamné UBS France pour complicité à 15 millions d'euros d'amende et la banque suisse, sa filiale ainsi que trois ex-cadres à payer solidairement 800 millions d'euros de dommages et intérêts à l'Etat français, partie civile.

Cinq des six anciens cadres jugés s'étaient vu infliger de la prison avec sursis et des amendes allant jusqu'à 300'000 euros. Seul Raoul Weil, ex-numéro 3 d'UBS SA, avait été relaxé du fait de sa position dans l'entreprise.

"Nous espérons que la cour prendra la même décision", a déclaré Me Jean-Yves Dupeux, qui le défend avec Xavier Autain.

Kiril Bougartchev, avocat de l'ex-patron du département France International Philippe Wick, conteste la validité des actes contre son client et son "implication personnelle" dans le dossier.

A l'issue des investigations, un autre prévenu avait, en vain, initié une procédure de plaider coupable.

UBS SA, qui a changé d'équipe de défense entre les deux procès, n'a pas souhaité s'exprimer avant l'audience.

Ce procès est lourd d'enjeux pour la banque, qui a fait le choix, dans d'autres pays, de négocier et de payer. Aux Etats-Unis, où elle était notamment accusée d'avoir permis à plus de 17'000 Américains de se soustraire au fisc, UBS avait versé en 2009 une somme de 780 millions de dollars.

A l'échelle française, l'ampleur du dossier est aussi considérable. La peine la plus lourde prononcée jusqu'ici à l'encontre d'une banque dans une affaire de fraude fiscale était une amende de 80 millions pour la lettone Rietumu - une décision en appel est attendue le 6 avril.

Mise en cause à la même époque qu'UBS, la filiale suisse de la britannique HSBC avait évité un procès en payant 300 millions d'euros en 2017 au fisc français.

Dans un autre volet, UBS France avait été renvoyée devant le tribunal pour harcèlement envers deux ex-salariés ayant contribué au déclenchement de l'enquête, Nicolas Forissier, ancien responsable de l'audit interne et Stéphanie Gibaud, chargée du marketing événementiel. La procédure est actuellement suspendue à une décision de la Cour de cassation.

afp/rp