* Khamenei soutient tacitement la prolongation des négociations

* Les conservateurs prônent le "langage de la force"

* Le pragmatique Rohani se veut optimiste

par Mehrdad Balali et Michelle Moghtader

DUBAI, 25 novembre (Reuters) - L'échec des dernières discussions internationales sur le programme nucléaire iranien et la décision de les prolonger de sept mois ont incité mardi les "durs" du régime de Téhéran à demander des comptes au président Hassan Rohani.

Ce dernier, dont le mot d'ordre est le pragmatisme, a cependant reçu le soutien tacite de l'ayatollah Ali Khamenei, "guide suprême" de la Révolution, qui a implicitement approuvé la prolongation des discussions entre Téhéran et le groupe P5+1 (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Grande-Bretagne et Allemagne).

Le relatif optimisme exprimé lundi soir à Vienne par les négociateurs laisse espérer un accord définitif sur ce dossier d'ici la mi-2015, ce qui renforcerait Hassan Rohani et pourrait lui permettre de mener des réformes économiques et sociales.

Après la victoire du modéré Rohani sur ses rivaux conservateurs à l'élection présidentielle de l'an dernier, les "faucons" de Téhéran, hostiles à tout compromis avec l'Occident, n'avaient pas caché leur déception.

Durant la campagne présidentielle, Hassan Rohani s'est engagé à obtenir la levée des sanctions internationales en parvenant à un accord sur le nucléaire et en ramenant son pays dans le concert des nations.

Après une année d'intenses négociations et l'échec des discussions de Vienne, les conservateurs iraniens ont demandé des explications au président.

Le slogan "Mort à l'Amérique !", que les partisans de Rohani ont banni, a de nouveau retenti mardi au Parlement iranien.

"Cela fait déjà une année que M. Rohani a sorti sa 'clé magique' qui devait venir à bout de la féroce nature de l'Amérique. Mais au lieu d'ouvrir la porte, la clé s'est brisée dans la serrure", a déclaré le député Hamid Rasaei, un proche de l'ancien président conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

"Nous n'avons aucune idée de ce qui s'est passé à Vienne (...) Sur quoi s'est-on mis d'accord ?", a-t-il demandé.

"BEAU TRAVAIL"

Hassan Rohani, tout comme le secrétaire d'Etat américain John Kerry, ont affirmé vendredi que des progrès avaient été réalisés dans la capitale autrichienne. Le président iranien s'est dit sûr qu'un accord serait trouvé un jour ou l'autre.

Un optimisme qui ne convainc pas les "faucons" du régime.

"La réalité, quand on examine les négociations de ces dernières années, c'est qu'il faut parler à l'Amérique et à ses alliés en position de force, et utiliser le langage de la force", a estimé le vice-président du Parlement, Mohammad Hassan Abutorabi.

"Seule une nation en position avantageuse peut défendre ses intérêts dans le monde d'aujourd'hui, ce nouvel ordre mondial qui est celui du langage de la force", a-t-il ajouté.

La Bourse de Téhéran a perdu environ 1,5%, en grande partie en raison de l'échec des discussions, a dit à l'agence Irna l'analyste Hamed Satak.

Mais le fait que l'équipe de négociateurs iraniens ait maintenu ses positions sur les principales questions en jeu a été salué par certains conservateurs à Téhéran, à commencer par l'ayatollah Khamenei.

"La prolongation des discussions donne plus de temps aux deux parties, Rohani et les 'durs', pour tenter de convaincre l'opinion publique", dit un ancien responsable gouvernemental, le réformateur Isa Saharkhiz.

Dans un message sur Twitter, l'ayatollah Khamenei a affirmé que les "puissances de l'arrogance" ne réussiraient pas à mettre l'Iran à genoux, une déclaration qui avalise implicitement la poursuite des négociations.

Mohammad Reza Bahonar, l'un des proches du "guide suprême", a été plus direct dans son soutien au ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et à son équipe de négociateurs.

"Durant l'année qui vient de s'écouler, les sanctions internationales ont été allégées et les campagnes anti-iraniennes ont échoué. C'est du beau travail de la part de nos négociateurs !", a-t-il dit. (Guy Kerivel pour le service français)