Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon (BoJ) a maintenu vendredi sans surprise sa politique monétaire ultra-accommodante, malgré l'inflation dans le pays qui demeure largement au-delà de sa cible de 2% et la grande faiblesse du yen par rapport au dollar.

La BoJ va poursuivre ses achats obligataires illimités afin que les rendements japonais à dix ans ne dépassent pas 1%, sa nouvelle ligne rouge fixée en juillet, et elle a conservé son taux directeur négatif de court terme à -0,1%.

Soulignant "un contexte d'incertitudes extrêmement élevées", entourant l'économie et les marchés financiers au Japon comme dans le reste du monde, la BoJ compte poursuivre "patiemment" son assouplissement monétaire, tout en réagissant "avec souplesse" à l'évolution de l'activité économique, des prix et des conditions financières, selon son communiqué.

La BoJ a aussi réaffirmé qu'elle n'hésiterait pas à prendre de nouvelles mesures d'assouplissement monétaire si nécessaire, alors que certains observateurs pensaient qu'elle cesserait dorénavant d'employer cette formulation.

Le yen repart en baisse

Ce statu quo a immédiatement tiré le yen vers le bas face au dollar et à l'euro: vers 09H00 GMT le billet vert valait 148,28 yens alors qu'il évoluait autour de 147,74 yens juste avant les annonces de la BoJ.

La monnaie japonaise subit le décalage entre la politique monétaire japonaise ultra-accommodante et les relèvements des taux directeurs menés ailleurs comme aux Etats-Unis.

Le yen est retombé ces derniers jours à ses plus bas niveaux depuis dix mois face au dollar, attisant des spéculations quant à une possible nouvelle intervention du Japon sur le marché des changes pour soutenir sa monnaie, comme à l'automne dernier.

La BoJ continue aussi de penser que la hausse des prix à la consommation au Japon va probablement décélérer dans les mois à venir, une perspective qui justifie pour elle le maintien de son cap ultra-accommodant.

L'inflation dans l'archipel est cependant restée stable en août, à 3,1% sur un an hors produits frais comme en juillet, selon des données du gouvernement publiées plus tôt ce vendredi, alors que les économistes tablaient sur un petit ralentissement.

L'inflation au Japon a été d'abord tirée en 2022 par la flambée des prix de l'énergie dans la foulée du déclenchement de la guerre en Ukraine. Mais depuis début 2023 ce sont d'autres postes de dépenses qui la nourrissent, comme par exemple les produits alimentaires transformés et les services.

Un message parfois confus

Obligée d'être plus flexible dans un tel contexte sans pour autant renier son cap ultra-accommodant, la BoJ a parfois brouillé les pistes ces derniers mois.

Elle a procédé par surprise à des ajustements en décembre dernier puis en juillet de cette année, en lâchant un peu de lest sur son contrôle étroit des rendements obligataires japonais à dix ans destiné à les maintenir très bas. Ces derniers évoluent actuellement autour de 0,7%.

Son gouverneur Kazuo Ueda avait par ailleurs semé le doute plus tôt ce mois-ci en déclarant au journal japonais Yomiuri que la fin de la politique de taux directeur négatif, en place depuis 2016, était une option possible si la BoJ devenait confiante dans la croissance stable des prix à la consommation et des salaires.

M. Ueda avait alors estimé que la BoJ pourrait avoir assez d'éléments "d'ici la fin de l'année" pour évaluer la trajectoire des salaires au Japon, qui peinent pour l'instant à suivre le rythme de l'inflation.

Des analystes ont subodoré que l'objectif caché de ce message du gouverneur était peut-être d'apporter temporairement une bouffée d'oxygène au yen.

Lors de sa conférence de presse vendredi, M. Ueda est revenu sur cette interview, en expliquant qu'il voulait simplement éviter de donner l'impression d'avoir un avis péremptoire sur l'évolution de la conjoncture et des prix au Japon.

"Nous ne pensons pas que la BoJ abandonnera son taux négatif d'ici la fin de l'année" ni même d'ici mi-2025, a estimé Tom Kenny dans une récente note d'ANZ Research.

Car l'inflation au Japon devrait ralentir en raison d'une demande insuffisante des consommateurs pour faire durablement pression sur les prix, selon cet économiste. Mais tous les observateurs ne sont pas du même avis.

"Les prix à la consommation vont probablement rester au-delà des projections de la BoJ", ce qui devrait la pousser à procéder à de nouveaux ajustements, éventuellement dès sa prochaine réunion fin octobre, a prédit vendredi Min Joo Kang dans une note d'ING.

afp/jh