* L'ex-chef du renseignement Karim Massimov soupçonné de trahison

* Forte présence policière et militaire dans les rues

* Les Etats-Unis doutent des intentions de la Russie

* Le personnel consulaire non-essentiel des USA autorisé à quitter le pays

par Olzhas Auyezov et Tamara Vaal

ALMATY, 8 janvier (Reuters) - Les autorités kazakhes ont annoncé samedi l'arrestation de Karim Massimov, ancien chef du comité de sécurité nationale du Kazakhstan, pour soupçons de trahison, alors que l'ancienne république soviétique, secouée par sa plus importante crise en 30 ans, continue de réprimer les manifestants.

Karim Massimov, limogé mercredi de son poste de chef du renseignement, a été arrêté avec plusieurs autres responsables, selon le comité qui ne précise pas l'identité des autres détenus.

Reuters n'a pas pu contacter dans l'immédiat Karim Massimov. Ce dernier a également été Premier ministre du Kazakhstan à deux reprises et a collaboré avec Noursoultan Nazarbaïev, l'homme qui a dirigé le pays d'une main de fer jusqu'en 2019 avant de céder la présidence à Kassim-Jomart Tokaïev.

Les manifestations au Kazakhstan, qui ont fait une dizaine de morts, ont été déclenchées sur fond d'inflation et de hausse des prix de l'énergie. Le président kazakh a annoncé qu'une journée de deuil national aurait lieu lundi en mémoire des victimes.

Après plusieurs jours de violence, les forces de sécurité semblaient avoir repris le contrôle des rues de la principale ville du Kazakhstan, Almaty.

Dans un long entretien téléphonique avec Vladimir Poutine, Kassim-Jomart Tokaïev a déclaré à son homologue russe que la situation au Kazakhstan était en cours de stabilisation, selon le Kremlin.

"Des foyers d'attaques terroristes persistent. Par conséquent, la lutte contre le terrorisme se poursuivra avec une totale détermination", ont cependant ajouté les services de Kassim-Jomart Tokaïev, citant le président kazakh.

Kassim-Jomart Tokaïev a par ailleurs noté que Vladimir Poutine soutenait l'idée d'organiser une réunion par visioconférence de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), qui lie la Russie à plusieurs ex-Républiques soviétiques. On ignore pour le moment le calendrier et le lieu d'une telle réunion.

DES COUPS DE FEU SPORADIQUES

Le président du Kazakhstan a annoncé vendredi avoir autorisé les forces de l'ordre à ouvrir le feu sans sommation pour mettre fin aux désordres générés par les "terroristes", au lendemain de l'arrivée de troupes russes qu'il avait sollicitées pour participer à la répression de manifestations.

Selon le ministère kazakh de l'Intérieur, plus de 4.400 personnes ont été arrêtées depuis le début des émeutes.

A Almaty, ville d'environ deux millions d'habitants, des entreprises et des stations-service ont commencé à rouvrir samedi alors que les forces de sécurité patrouillaient dans les rues.

Des coups de feu sporadiques ont cependant été entendus autour de la place principale de la ville.

Selon l'agence de presse russe RIA, citant l'adjoint au maire de la ville, des opérations visant à purger la ville des "terroristes et groupes de bandits" sont toujours en cours et la population est invitée à rester chez elle.

À Noursoultan, la capitale, des images prises par Reuters montrent la police procéder à l'arrestation d'automobilistes à un poste de contrôle où l'on dénote une forte présence de soldats armés à proximité.

L'accès au réseau internet, coupé en grande partie dans tout le pays pendant plusieurs jours, était toujours fortement perturbé samedi.

TENSIONS EST-OUEST

La décision de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), dirigée par la Russie, de dépêcher environ 2.500 hommes au Kazakhstan intervient dans un contexte de tensions entre l'Est et l'Ouest alors que Moscou et Washington se préparent à des pourparlers la semaine prochaine sur la crise ukrainienne.

La Russie, qui également a massé ces derniers mois des dizaines de milliers de soldats près des frontières de l'Ukraine, réclame des garanties de sécurité de la part des Occidentaux, notamment l'arrêt de toute collaboration militaire entre l'Otan et l'Ukraine et la Géorgie et de tout élargissement de l'Alliance vers l'Europe orientale.

Les Etats-Unis ont critiqué le déploiement de troupes russes au Kazakhstan et se demandent si cette décision présentée par l'OTSC comme une mission de quelques jours ou semaines ne va pas se transformer en une présence beaucoup plus longue.

"Une leçon de l'histoire récente est que lorsque les Russes sont dans votre maison, il est parfois très difficile de les faire partir", a déclaré vendredi le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken.

Washington a par ailleurs autorisé les employés non essentiels de son consulat à Almaty à quitter le pays. (Reportage Olzhas Auyezov et Mariya Gordeyeva à Almaty et Tamara Vaal à Noursoultan, avec la contribution de Gabrielle Tétrault-Farber à Moscou, rédigé par Mark Trevelyan; version française Claude Chendjou)