par Tom Balmforth et Maria Tsvetkova

MOSCOU, 28 mai (Reuters) - Vladimir Poutine a affiché vendredi son soutien à Alexandre Loukachenko face aux vives critiques occidentales et aux mesures prises par l'Union européenne contre la Biélorussie après l'atterrissage forcé d'un avion de ligne à Minsk et l'arrestation d'un opposant au président biélorusse qui se trouvait à bord de l'appareil.

Le président russe a chaleureusement accueilli son homologue pour une rencontre sur les rives de la mer Noire, à Sotchi, qui était déjà prévue avant l'interception d'un avion de Ryanair dimanche en Biélorussie. Cet incident vaut à cette dernière d'être accusée de "piraterie" aérienne par les Européens.

Présent à bord de l'avion, intercepté au motif d'une alerte à la bombe qui s'est révélée fausse, le blogueur et opposant Roman Protassevitch a été arrêté lors de cette escale forcée à Minsk, ainsi que sa compagne.

Tous deux sont maintenus en détention depuis. Accusé d'avoir organisé des émeutes, Roman Protassevitch risque 15 ans de prison.

En représailles, la plupart des pays européens interdisent désormais leur espace aérien aux avions de ligne biélorusses et déconseillent à leurs compagnies le survol de la Biélorussie. L'UE réfléchit en outre à de nouvelles sanctions contre le pouvoir à Minsk.

Lors de leur rencontre, Vladimir Poutine est convenu avec Alexandre Loukachenko que les pays occidentaux s'étaient laissé submerger par l'émotion.

Le président russe a notamment insisté sur leur réaction différente lorsque l'avion du président bolivien Evo Morales avait été contraint d'atterrir en Autriche en 2013 quand les Etats-Unis cherchaient à intercepter Edward Snowden, auteur de révélations sur les écoutes américaines à l'étranger.

"Une fois, ils ont obligé l'avion du président bolivien à atterrir et l'ont fait descendre de l'avion et ensuite, silence", a dit Vladimir Poutine.

BAIGNADE EN MER

Alexandre Loukachenko a pour sa part assuré au président russe qu'il lui montrerait des documents confidentiels au sujet de l'incident de dimanche, qui lui permettraient de comprendre la réalité du déroulement des faits.

"Il y a toujours quelqu'un qui nous cause des problèmes. Vous les connaissez, je vous informerai", a dit le président biélorusse à son homologue. "J'ai apporté des documents afin que vous compreniez ce qui se passe."

Souriant et apparemment détendu, Vladimir Poutine avait juste auparavant proposé à son hôte une baignade en mer, une proposition acceptée par Alexandre Loukachenko.

La Russie, qui considère son voisin de 9,5 millions d'habitants comme un "tampon" stratégique sur son flanc ouest, a exprimé cette semaine son soutien à cette ancienne république soviétique tout en rejetant les soupçons occidentaux sur sa propre complicité éventuelle dans l'interception de l'avion de Ryanair.

Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, a estimé mercredi que l'absence de condamnation par Moscou valait "caution".

La Russie a jugé "choquante" la réaction des Occidentaux, son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, les accusant de "diaboliser" le pouvoir à Minsk.

La Russie et la Biélorussie, qui font déjà officiellement partie d'une "union", discutent depuis plusieurs années d'une intégration plus poussée. Ce projet inquiète les opposants à Alexandre Loukachenko, qui soupçonnent le président biélorusse, au pouvoir depuis 27 ans, d'être prêt à brader une partie de la souveraineté de leur pays en échange du soutien de Moscou.

Vladimir Poutine a déclaré à Alexandre Loukachenko qu'ils continuaient à bâtir cette union de leurs deux pays, mais avec constance, sans hâte et de manière discrète.

L'opposition est parvenue à organiser de vastes manifestations l'an dernier en Biélorussie après l'annonce en août de la réélection d'Alexandre Loukachenko mais cette contestation s'est essoufflée sur fond de répression.

Partie en exil en Lituanie après l'élection présidentielle, l'opposante Svetlana Tsikhanouskaïa a déclaré vendredi lors d'un déplacement aux Pays-Bas que les manifestations allaient reprendre et qu'une grève nationale était en préparation pour dénoncer l'arrestation de Roman Protassevitch.

"Nous espérons que (les manifestations) vont se poursuivre et les travailleurs sont prêts pour une grève nationale", a-t-elle dit à des journalistes après un entretien avec le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte. "Les gens vont descendre à nouveau dans la rue." (avec Stephanie van den Berg à La Haye version française Bertrand Boucey)