LONDRES, 29 septembre (Reuters) - Le soulagement monte sur les marchés financiers alors que le cycle de hausses des taux d'intérêt semble toucher à sa fin.

Cependant, la pression exercée par les hausses cumulées commence seulement à se faire sentir. Et les banques centrales signalent que les taux resteront probablement élevés sur une période prolongée, ce qui laisse planer différents risques sur l'économie.

Voici quelques points d'attention.

1/ L'IMMOBILIER

L'impact de la hausse des taux n'est nulle part plus évidente que dans l'immobilier, encore sous le choc de la crise du COVID-19.

Une série de promoteurs allemands sont devenus insolvables, le marché des bureaux londoniens est en "récession locative" alors que le taux d'inoccupation a atteint son plus haut niveau depuis 30 ans, et les banques américaines ont fait état de pertes liées au secteur de l'immobilier qui ne cessent de s'aggraver au premier semestre, tout en alertant que de nouvelles pertes étaient à prévoir.

La Suède est le pays le plus durement touché en Europe car une grande partie de sa dette immobilière est à court terme, donnant un aperçu de la crise qui pourrait frapper le reste de la région.

Le groupe immobilier SBB, qui possède de vastes ensembles de biens immobiliers, dont des hôpitaux et des écoles, s'efforce de redresser ses finances malmenées par de lourdes pertes et une diminution de ses liquidités.

La crise a également touché le plus grand propriétaire résidentiel de Suède, Heimstaden Bostad, à la recherche de financements de plusieurs milliards de dollars.

2/ LA CHINE

L'immobilier est également au cœur des problèmes économiques de la Chine, qui représente l'une des principales sources d'inquiétudes pour les investisseurs.

China Evergrande Group, le promoteur le plus endetté au monde avec un passif total de plus de 300 milliards de dollars, est au cœur d'une crise de liquidité sans précédent. Country Garden, le plus grand promoteur privé de Chine, se bat pour éviter un défaut de paiement.

L'immobilier représentant environ un quart de l'économie, les inquiétudes concernant l'impact sur la croissance chinoise déjà chancelante et les effets d'entraînement sont élevées.

L'immobilier chinois est considéré comme la source la plus probable d'un événement de crédit systémique mondial, selon l'enquête menée en septembre par BofA auprès des gestionnaires de fonds.

3/ DEFAILLANCES

Les défauts de paiement des entreprises ont commencé à s'intensifier, même au cours de mois habituellement calmes.

Selon S&P, 16 nouvelles défaillances d'entreprises ont eu lieu en août, le chiffre le plus élevé pour ce mois depuis 2009, dernier signe en date de la montée des tensions.

"Le marché parle beaucoup du stress sur le secteur privé et de l'effet de levier caché, mais la crise n'a pas encore éclatée. Nous pensons toujours que des défaillances sont devant nous", a déclaré Markus Allenspach, responsable de la recherche obligataire chez Julius Baer.

"Nous avons de nombreuses entreprises 'zombies' aux États-Unis et en Europe depuis l'époque des faibles taux d'intérêt, et il semble difficile de concevoir comment elles pourraient survivre aujourd'hui avec des taux d'intérêt élevés".

S&P prévoit que les défaillances des entreprises européennes dont la dette est notée dans la catégorie spéculative atteindront 3,75% d'ici à juin 2024, contre 3,4% en août.

4/ STRESS BANCAIRE

Depuis la crise du mois de mars, le stress bancaire n'est plus un sujet de préoccupation.

Les grandes banques américaines ont passé sans encombre le bilan de santé annuel imposé par la Réserve fédérale en juin. La Banque centrale européenne a demandé aux banques de fournir des données hebdomadaires sur leurs liquidités afin de pouvoir vérifier plus fréquemment leur capacité à éviter les chocs potentiels liés à la hausse des taux d'intérêt.

Pour Guy Miller, stratégiste en chef du marché chez Zurich Insurance Group, les banques sont en meilleure position qu'en mars en termes de capital et de liquidités.

Toutefois, des interrogations subsistent, notamment en raison de la déroute de l'immobilier.

"Il existe toujours une vulnérabilité inhérente à la fuite des dépôts ainsi qu'à l'immobilier commercial et à d'autres risques de crédit pour les petites banques", estime Guy Miller.

L'indice S&P 500 des banques régionales américaines a perdu près de 40% cette année et devrait connaître sa plus forte baisse annuelle depuis 2008.

Guy Miller fait remarquer que les banques européennes sont également vulnérables en raison de leur taille plus importante rapportée à l'économie, ce qui les expose davantage à des risques provenant de différents facteurs.

5/ LE FACTEUR JAPONAIS

La Banque du Japon reste fidèle à sa politique monétaire ultra-accommodante, mais un resserrement se profile, et avec lui les risques d'un brusque désengagement des liquidités japonaises injectées dans tous les secteurs, des actions technologiques américaines aux devises émergentes.

Capital Economics s'attend à ce que la Banque du Japon relève son taux directeur en janvier, et note que les investisseurs japonais, qui recherchent depuis longtemps de meilleurs rendements à l'étranger, détiennent environ mille milliards de dollars d'obligations américaines. Ils sont également d'importants détenteurs d'obligations européennes et australiennes.

La vente de bons du Trésor par les Japonais pourrait entraîner une nouvelle hausse des rendements, déjà à leur plus haut niveau depuis la crise financière, ce qui nuirait aux actifs risqués.

La sensibilité des marchés à la Banque du Japon devrait s'accroître dans les prochains mois.

(Corentin Chappron pour la version française, édité par Blandine Hénault)