Cour de justice de l'Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 52/17

Luxembourg, le 16 mai 2017

Presse et Information

Avis 2/15

L'accord de libre-échange avec Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union européenne seule

Les dispositions de l'accord relatives aux investissements étrangers autres que directs ainsi que celles relatives au règlement des différends entre investisseurs et États ne relèvent pas de la compétence exclusive de l'Union, de sorte que l'accord ne peut pas être conclu, en l'état, sans la participation des États membres

Le 20 septembre 2013, l'Union européenne et Singapour ont paraphé le texte d'un accord de libre-échange. Il s'agit de l'un des premiers accords de libre-échange bilatéraux dits de « nouvelle génération », c'est-à-dire un accord de commerce qui contient, outre les dispositions traditionnelles relatives à la réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires dans le domaine des échanges de marchandises et de services, des dispositions dans diverses matières liées au commerce, telles que la protection de la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable.

La Commission a saisi la Cour de justice d'une demande d'avis pour déterminer si l'Union dispose de la compétence exclusive pour signer et conclure seule l'accord envisagé. La Commission et le Parlement soutiennent que tel est le cas. Le Conseil et les gouvernements de tous les États membres qui ont soumis des observations devant la Cour1 affirment que l'Union ne peut pas conclure l'accord seule parce que certaines parties de l'accord relèvent d'une compétence partagée entre l'Union et les États membres, voire de la compétence exclusive des États membres.

Dans son avis de ce jour, la Cour, après avoir précisé que l'avis porte uniquement sur la question de la compétence exclusive ou non de l'Union et non sur la compatibilité du contenu de l'accord avec le droit de l'Union, considère que l'accord de libre-échange avec Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'Union seule, du fait que certaines des dispositions envisagées relèvent de la compétence partagée entre l'Union et les États membres (disp). Il s'ensuit que l'accord de libre-échange avec Singapour ne peut être conclu, en l'état, que par l'Union et les États membres agissant de concert.

En particulier, la Cour déclare que l'Union jouit d'une compétence exclusive en ce qui concerne les parties de l'accord relatives aux matières suivantes :

  • l'accès au marché de l'Union et au marché singapourien en ce qui concerne les marchandises et les services (y compris l'intégralité des services de transport2) ainsi que dans le secteur des marchés publics et de la production d'énergie à partir de sources non fossiles et durables ;

  • les dispositions en matière de protection des investissements étrangers directs de ressortissants singapouriens dans l'Union (et inversement) ;

    1 Des observations écrites ont été présentées par tous les États membres à l'exception de la Belgique, de la Croatie, de l'Estonie et de la Suède. La Belgique a néanmoins comparu à l'audience et présenté des observations orales.

    2 Que ce soit pour les transports maritimes, les transports ferroviaires ou les transports par route, la Cour considère que

    les engagements contenus dans l'accord envisagé à ce sujet sont susceptibles d'affecter des règlements de l'Union ou d'en altérer la portée, si bien que, conformément à l'article 3, paragraphe 2, TFUE, l'Union est compétente à titre exclusif pour approuver de tels engagements.

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  • les dispositions en matière de droits de propriété intellectuelle ;

  • les dispositions visant à lutter contre les activités anticoncurrentielles et à encadrer les concentrations, les monopoles et les subventions ;

  • les dispositions en matière de développement durable (la Cour constate que l'objectif de développement durable fait désormais partie intégrante de la politique commerciale commune de l'Union et que l'accord envisagé vise à subordonner la libéralisation des échanges commerciaux entre l'Union et Singapour à la condition que les parties respectent leurs obligations internationales en matière de protection sociale des travailleurs et de protection de l'environnement) ;

  • les règles relatives à l'échange d'informations et aux obligations de notification, de vérification, de coopération, de médiation, de transparence et de règlement des différends entre les parties, à moins que ces règles ne se rapportent au domaine des investissements étrangers autres que directs (voir ci-dessous).

Au final, ce n'est que pour deux volets de l'accord que l'Union n'est pas dotée, selon la Cour, d'une compétence exclusive, à savoir le domaine des investissements étrangers autres que directs (investissements « de portefeuille » opérés sans intention d'influer sur la gestion et le contrôle d'une entreprise) et le régime de règlement des différends entre investisseurs et États.

Pour que l'Union ait la compétence exclusive dans le domaine des investissements étrangers autres que directs, il aurait fallu que la conclusion de l'accord soit susceptible d'affecter des actes de l'Union ou d'en altérer la portée. Cela n'étant pas le cas, la Cour conclut que l'Union ne dispose pas d'une compétence exclusive. Elle dispose en revanche d'une compétence partagée avec les États membres. Cette conclusion s'étend également aux règles relatives à l'échange d'informations et aux obligations de notification, de vérification, de coopération, de médiation, de transparence et de règlement des différends entre les parties en rapport avec les investissements étrangers autres que directs (voir ci-dessus).

Le régime de règlement des différends entre investisseurs et États relève, lui aussi, de la compétence partagée entre l'Union et les États membres. En effet, un tel régime, qui soustrait des différends à la compétence juridictionnelle des États membres, ne saurait être instauré sans le consentement de ceux-ci.

Il s'ensuit que l'accord de libre-échange ne peut être conclu, en l'état actuel, que conjointement par l'Union et les États membres. RAPPEL: Un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité d'un accord envisagé avec les traités ou sur la compétence pour conclure cet accord. En cas d'avis négatif de la Cour, l'accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Le texte intégral de l'avis est publié sur le site CURIA le jour du prononcé.

Contact presse : Gilles Despeux (+352) 4303 3205

Des images du prononcé de l'avis sont disponibles sur "Europe by Satellite" (+32) 2 2964106

La Sté CURIA - European Court of Justice a publié ce contenu, le 16 mai 2017, et est seule responsable des informations qui y sont renfermées.
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Document originalhttps://curia.europa.eu/jcms/jcms/p1_350691

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