Madrid (awp/afp) - Accusé de manipulation comptable, le géant pharmaceutique espagnol Grifols a annoncé mercredi des poursuites en justice contre le fonds activiste américain Gotham City Research, à l'origine des attaques ayant provoqué sa lourde chute à la Bourse de Madrid.

Dans la tourmente depuis mardi, le leader mondial des médicaments à base de plasma sanguin, qui réfute "catégoriquement" toute malversation financière, a décidé de porter sa contre-attaque sur le terrain judiciaire, en accusant Gotham City Research de faire baisser artificiellement son titre.

Grifols "intentera une action en justice contre Gotham City Research pour les dommages importants causés" à l'entreprise, "tant sur le plan financier que sur le plan de la réputation", a annoncé le laboratoire catalan dans un communiqué transmis au gendarme boursier espagnol.

Dans ce communiqué, le géant pharmaceutique, qui a des activités dans 110 pays et emploie près de 24.000 personnes dans le monde, précise soutenir "pleinement" son patron Thomas Glanzmann, qui a repris les rênes de l'entreprise en décembre après avoir occupé plusieurs postes de direction en son sein.

"Grifols opère dans le secteur du plasma depuis plus de 100 ans et comprend bien le secteur et ses dynamiques", souligne le communiqué, qui reproche à Gotham City Research d'avoir "suscité une grande inquiétude" aussi bien chez les "actionnaires" que chez les "patients".

Cette offensive a été accueillie favorablement à la Bourse de Madrid, où le titre Grifols gagnait près de 9% à 12H50 GMT, dans un marché en légère baisse (-0,19%).

Ce rebond était toutefois loin de compenser la chute de 26% subie mardi et représentant une perte de capitalisation boursière de 2,2 milliards d'euros, certains investisseurs restaient préoccupés.

La structure comptable de Grifols, et notamment ses relations croisées avec plusieurs de ses filiales, "nous inquiète", a ainsi souligné dans une note Bankinter, qui continue de conseiller la vente des titres Grifols au vu du "dommage réputationnel" provoqué par ces accusations.

"Trompeur et incorrect"

Dans son rapport, Gotham City Research, un fonds spécialisé dans la vente à découvert sur les marchés financiers, a reproché au laboratoire catalan de "réduire artificiellement" son endettement, via des "pratiques erronées" et des "omissions" dans sa comptabilité.

Il l'accuse en particulier de consolider dans ses comptes les résultats de deux sociétés, Haema et BPC Plasma, alors qu'il n'a plus de participation directe dans ces entités depuis 2018 et que leurs résultats sont déjà intégrés à ceux de sa filiale Scranton Enterprises.

Ce choix comptable "trompeur et incorrect" gonfle les résultats de Grifols et "réduit artificiellement" son ratio d'endettement, sans doute deux fois plus importante que celui affiché, insiste le rapport.

Des accusations fermement réfutées par Grifols, qui assure avoir toujours fait preuve d'"intégrité" et de "transparence" financière, en précisant que ses comptes faisaient l'objet de contrôles "robustes" et "réguliers" de la part du cabinet d'audit KPMG, qui n'a jamais émis de "réserves".

S'exprimant mardi lors d'une rencontre économique, le président du gendarme boursier espagnol (CNMV), Rodrigo Buenaventura, a appelé à la prudence, en estimant que "remettre en cause l'intégralité des comptes audités de Grifols" n'avait "pas de sens", même si les accusations du fonds américain sont "très sérieuses".

Créé le 18 novembre 1940 à Barcelone par le docteur José Antonio Grifols et ses deux fils, le groupe catalan a commencé son activité comme laboratoire d'analyses et de transfusions sanguines, avant de se spécialiser dans les produits dérivés du plasma sanguin.

Dirigé jusqu'en décembre dernier par Victor Grifols, petit-fils du fondateur de l'entreprise et artisan de l'internationalisation du groupe, le groupe a multiplié ces dernières années les rachats d'entreprises. Cette frénésie d'acquisition a fortement pesé sur l'endettement du groupe espagnol.

Gotham City Research, qui investit en pariant sur la baisse du cours de certaines entreprises, s'est déjà attaqué à plusieurs grandes entreprises ces dernières années, à l'image du français SES-Imagotag, qui a lui aussi porté plainte l'été dernier après avoir vu son cours chuter en bourse.

Les accusations du fonds américain peuvent déboucher sur des dépôts de bilan, comme en 2014 pour le fournisseur espagnol de wifi Gowex, qui avait fait faillite quelques mois après un rapport accablant sur ses comptes.

afp/jh