par Daren Butler

ISTANBUL, 11 octobre (Reuters) - La Turquie a poursuivi vendredi son offensive contre les miliciens kurdes qui tiennent le nord-est de la Syrie en dépit des condamnations internationales et des mises en garde de Washington.

Lancée mercredi dans la foulée de l'annonce d'un retrait américain, l'opération "Source de paix" a jeté sur les routes près de 100.000 personnes qui fuient les combats, dont le bilan provisoire s'élève à une centaine de morts, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Aux Etats-Unis, Donald Trump, qui s'efforce de ne pas apparaître comme celui qui a abandonné les alliés kurdes de Washington, a proposé jeudi d'endosser un rôle de médiateur sans pour autant convaincre Ankara de renoncer à son opération.

Sa décision de retirer les troupes américaines a précipité l'opération turque et provoqué une vague d'indignation au sein même du Parti républicain dont il est issu.

Selon le Pentagone, le secrétaire à la Défense Mark Esper s'est entretenu jeudi avec son homologue turc auprès duquel il a plaidé en faveur d'une désescalade et prévenu que l'opération pourrait avoir de fâcheuses conséquences pour la Turquie.

"Dans cet appel, le secrétaire Esper a fermement encouragé la Turquie à cesser ses opérations dans le Nord-Est syrien afin d'augmenter les chances que les Etats-Unis, la Turquie et nos partenaires parviennent à trouver un terrain d'entente susceptible d'entraîner une désescalade de la situation avant qu'elle ne devienne irréparable", a dit le Pentagone.

Plusieurs gouvernements européens ont eux aussi fait part de leur préoccupation et menacé Ankara de sanctions. et

"La Turquie doit comprendre que notre préoccupation majeure est que ses actions n'entraînent une nouvelle catastrophe humanitaire, ce qui serait inacceptable", a réagi le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l'issue d'un entretien à Bruxelles avec le président chypriote Nicos Anastasiades.

Sur le terrain, l'aviation et l'artillerie turques ont poursuivi leurs bombardements autour de Ras al Aïn, une des deux villes frontalières dont l'armée turque entend s'emparer.

Quelques centaines de kilomètres plus loin, des combattants kurdes ont fait état d'intenses bombardements à Kamichli, la plus grande ville qu'ils contrôlent dans le nord-est syrien.

Selon les autorités, une voiture piégée a explosé dans la ville, tuant trois civils et en blessant neuf autres.

Les bombardements ont également repris à Tel Abyad, a-t-on appris auprès d'un témoin.

"Tel Abyad subit actuellement des combats d'une ampleur inégalée en trois jours", a déclaré Marvan Qamishlo, un porte-parole des Forces démocratiques syriennes.

Selon les Nations unies, le nombre de déplacés s'élève désormais à 100.000. "L'impact humanitaire commence à se faire sentir. On évalue à 100.000 le nombre de personnes qui ont quitté leur logement", dit l'Onu. (Daren Butler et Tom Perry avec John Irish à Paris, Emma Farge à Genève, Anton Kolodyazhnyy à Moscou, Jan Strupczewski à Bruxelles, Nicolas Delame pour la version française, édité par Sophie Louet)