par Philip Pullella

CITE DI VATICAN, 12 février (Reuters) - Au lendemain de l'annonce surprise de la renonciation de Benoît XVI, les consultations informelles allaient bon train mardi au Vatican entre cardinaux-électeurs sur le profil du futur chef de la chrétienté.

Selon certaines sources, c'est par téléphone, lors de déjeuners discrets et par courriels que les "princes de l'Eglise" ont commencé, une fois passé le choc de l'annonce de la démission du pape bavarois programée pour le 28 février à 20h00.

Le pape, qui a annoncé son départ lundi lors d'un consistoire "anodin", a bouleversé le calendrier de ses engagements à venir.

Il devait présider la messe traditionnelle du mercredi des Cendres dans une petite église de Rome dont il est l'évêque. Finalement, la cérémonie aura lieu à la basilique Saint-Pierre pour ce qui sera vraisemblablement sa dernière messe en public.

Sa dernière audience générale, prévue à la veille de son départ du trône pontifical, se tiendra sur la place Saint-Pierre, qui peut accueillir des centaines de milliers de fidèles. Au départ, elle devait avoir lieu dans la salle d'audience du Vatican, où environ 10.000 personnes peuvent se tenir.

Le pape, qui est âgé de 85 ans, a invoqué lundi lors d'une courte déclaration en latin son état de santé pour annoncer qu'il renonçait à sa charge de chef spirituel des 1,2 milliard de catholiques à travers le monde.

Lors d'une conférence de presse mardi, son porte-parole, le père Federico Lombardi, a insisté sur la volonté du pape sortant de ne jouer aucun rôle dans le gouvernement de l'Eglise au-delà du 28 février au soir.

"Le pape a dit dans sa déclaration qu'il consacrerait son temps à prier et à réfléchir et n'aurait aucune responsabilité dans l'orientation ou l'administration du gouvernement de l'Eglise", a dit le porte-parole.

"C'est très clair et c'est le sens de sa démission", a-t-il poursuivi, précisant que le pape bavarois "n'interviendra en aucune façon" pour chercher à peser sur le choix de son successeur.

Pour l'anecdote, le père Lombardi a révélé que Benoît XVI portait un stimulateur cardiaque avant son élection en 2005 au trône de Saint Pierre, où il a succédé au défunt Jean Paul II.

UN PONTIFICAT EMAILLE DE SCANDALES

Après son retrait le 28 février, Benoît XVI séjournera quelques jours au palais de Castel Gandolfo, retraite estivale traditionnelle des papes située à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Rome. Il regagnera ensuite le Vatican, pour finir ses jours dans un monastère situé à l'intérieur des murs de l'Etat pontifical.

Aux alentours du 15 mars, 117 cardinaux - leur nombre exact dépendra de celui des "princes de l'Eglise" qui n'auront pas dépassé à cette date l'âge fatidique de 80 ans pour se prévaloir de la qualité de cardinaux-électeurs - se réuniront en conclave dans le secret de la chapelle Sixtine pour désigner le successeur de Benoît XVI.

Après la série de scandales qui ont émaillé ces dernières décennies, les vaticanistes s'attendent à ce que les cardinaux cherchent un candidat qui soit à la fois un saint homme et un bon administrateur.

Le pontificat de Benoît XVI a été ébranlé par un chapelet d'affaires embarrassantes et de crises plus ou moins graves -pédophilie, discours de Ratisbonne, Banque du Vatican, polémique sur le préservatif, échec de sa tentative de réconciliation avec les intégristes, plus récemment trahison de son majordome, etc...

Selon certaines spéculations, le trône de Saint Pierre pourrait revenir cette fois à un pape non-européen pour mieux refléter le poids grandissant de régions du monde comme l'Afrique, l'Amérique latine ou même l'Asie au sein de l'Eglise.

"Le moment est peut-être venu pour un pape noir, jaune ou latino-américain", s'est risqué à prédire l'archevêque guatémaltèque, Mgr Oscar Julio Morales, après l'annonce surprise de Benoît XVI.

Ce dernier, un intellectuel rigoureux doublé d'un théologien de renom mais dépourvu de charisme, a souffert de l'immense popularité de son prédécesseur polonais, parfois célébré dans certaines parties du monde comme une "rock-star".

Sa décision de renoncer à son magistère, unanimement saluée avec respect dans le monde, a toutefois choqué certaines de ses ouailles qui estiment qu'un pape même diminué doit assumer sa charge jusqu'à son dernier souffle.

Ce sera la première fois qu'un souverain pontife est choisi du vivant de son prédécesseur. (avec John Mackenzie; Jean-Loup Fiévet pour le service français)