Lenteur du développement : une question de coûts.

Ce sont – évidemment – les coûts qui dictent l'augmentation relativement lente des capacités de stockage. Le coût en $/kWh utilisé plus loin est le LCOE (Levelized Cost of Energy ou coût actualisé de l’énergie). Il correspond au prix complet d’une énergie sur la durée de vie de l’équipement qui la produit. C'est un moyen efficace de déterminer le coût réel, disons, d'une éolienne… ou d'un réacteur nucléaire.

Stocker de l’énergie renouvelable coûtait en moyenne 0.10$/kWh en 2018 malgré une baisse graduelle depuis 2015, lorsque l'on stockait à 0.19$/kWh. Afin d’être compétitif, le coût du stockage va devoir rejoindre le prix de production (actuellement de 0.06$/kWh pour l’éolien et de 0.08$/kWh pour le solaire photovoltaïque) * car les producteurs préfèrent acheter de l’électricité à un meilleur prix, en provenance d’autres sources (nucléaire, hydroélectrique, charbon…). C’est pour cette raison que la croissance des capacités productives (éolien & solaire) a été plus forte que celle des capacités de stockage ces dernières années :

Evolution des installations solaires et éoliennes à l’échelle mondiale depuis 2000 (GW)

Source: Zonebourse, US Department of Energy

En moyenne, des années 2000 à aujourd’hui la croissance des capacités de production s’établit à +20%/an contre +13%/an pour les capacités de stockage. A l’heure actuelle, ces capacités de stockage ne représentent que 17% des capacités de production éoliennes et solaires, laissant place à un potentiel de développement intéressant. A ce stade, rappelons que, lorsqu'on parle stockage, il n'est que très marginalement question de batteries et autres systèmes innovants.  C'est le bon vieux stockage par Pompage-Turbinage (aussi appelé STEP) qui domine les capacités actuelles, et largement encore : il représente 96% du total. Par conséquent, les accumulateurs solaires et le stockage par électrochimie plafonnent pour le moment à environ 4% des capacités.

Retard & nécessité : principaux atouts pour l’avenir

Les opérateurs utilisent l’électricité produite par les méthodes conventionnelles (charbon, nucléaire…) pour répondre à la demande lorsque la production issue d’une centrale éolienne ou solaire est insuffisante. En revanche, le jour où les coûts de stockage seront descendus jusqu'aux coûts de production éoliens et solaires actuels (0.06$/kWh), la croissance des capacités de stockage devrait s’accélérer et entraîner avec elle la réduction de la production conventionnelle.  

Bonne nouvelle, les coûts de stockage de l’énergie baissent graduellement depuis plusieurs années et la tendance devrait se poursuivre grâce aux innovations technologiques. Dans son étude intitulée "Energy Storage : Are we at the tipping point ?", la banque UBS s’attend à une augmentation continue des capacités de stockage. Pour 2030, dans un scénario où les coûts de stockage baisseront de 15% par an, la capacité de production mondiale (éolien et solaire) est attendue à 3 025 GW pour une capacité de stockage de 930 GW soit 30% du total des capacités (contre 17% en 2018).

Dans sa modélisation, UBS estime que les coûts de stockage devraient diminuer de 38% d’ici 2024, ce qui permettrait d'atteindre à cet horizon la parité coûts de stockage = coûts de production. La banque estime que 63% des projets de stockage en cours (par capacité) portent sur des systèmes électrochimiques (pour vulgariser, des batteries).

Stocker l’énergie produite pendant un pic de production afin de l’utiliser durant un creux est un enjeu majeur du développement des énergies renouvelables, pour aboutir à une gestion optimale de la production.

Des idées pour investir dans le stockage de l’énergie

Investir dans le domaine du stockage de l’énergie et plus globalement des énergies renouvelables n’est, bien entendu, pas un phénomène nouveau. Depuis plusieurs années, au fil des progrès technologiques, d'ambitieux projets de stockage ont vu le jour. Certains en sont encore à leurs prémices tandis que d’autres sont déjà en état de fonctionnement. Une vaste variété d’acteurs allant des grands groupes énergétiques à des jeunes pousses innovantes, en passant par des organismes de recherche (la NASA, vous connaissez ?) préparent le prochain bouleversement technologique.

Pour ces raisons, nous ne vous proposons pas une liste exhaustive de tous les projets, classés par avancement et/ou taille mais plutôt une shortlist composée d’acteurs cotés en bourse, très ambitieux avec des projets mastodontes dans les tuyaux. Certains sont des producteurs/distributeurs d’énergies renouvelables (Neoen) ou conventionnelles (AES Corporation), d’autres des sociétés de gestion de portefeuille investissant dans le secteur (Vistra Energy). Cette liste comprend aussi l’entreprise canadienne Cellcube, un "pure player" dans le domaine du stockage et Tesla Inc, grand producteur de voitures électriques que l’on ne présente plus, lui aussi extrêmement actif dans le domaine. 

Exemple de produit de stockage : le « Megapack » de la firme américaine Tesla :

Source : Tesla

Les entreprises cotées n’ont pas l’exclusivité dans le domaine : de nombreuses autres initiatives existent. Par exemple "Gemini BESS", un projet de production + stockage d’énergie situé à Las Vegas actuellement en phase de pré-construction. La centrale solaire de 690 MW inclura une puissance de stockage de 531 MW pour une capacité de 2 125 MWh (soit quasiment deux fois plus que le projet Moss Landing de l’opérateur Vistra Energy), l’objectif étant de permettre une alimentation électrique même lorsque le soleil se couche. Ce projet massif est porté par la société Arevia Power (non cotée donc) qui opère en tant que maître d’ouvrage, développeur, gestionnaire. Il devrait être opérationnel en 2023.  

Le développement des capacités de production à base d’énergies renouvelables ne se fera pas sans augmentation des capacités de stockage. Le stockage permet de faire face à la volatilité de la production et d'éviter de subir l’imprévisibilité de la météo. Investir dans le sous-secteur du stockage de l’énergie est possible, mais il faut garder en tête que les entreprises cotées qui développent des projets ne sont pas forcément les "best in class" et sont parfois devancées par d’autres sociétés ou organismes de recherche.

 

 * Les données sont tirées du rapport 2019 de l’IRENA (l’Agence internationale de l’énergie renouvelable)