Crépuscule pour le pétrole

Le point central de l'accord est l'appel à "abandonner les combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, de manière juste, ordonnée et équitable… afin d'atteindre (l'objectif de) zéro émission nette d'ici 2050, conformément (aux préconisations de) la science". L'engagement reste vague. Mais c'est la première fois que la communauté internationale exprime un désir commun de sortir de l'ère du pétrole, et cela envoie un signal fort aux marchés financiers.

Une telle promesse ne va évidemment pas se traduire à court terme par une réduction de la consommation de pétrole, ou une baisse des prix. Mais si elle se traduit par des changements progressifs de politiques des Etats et par une réorientation des investissements, cela devrait déboucher sur une transformation majeure du système énergétique mondial.

Pas si vite

L'accord est un compromis et pour arracher le feu vert des pays producteurs de pétrole et de gaz, hostiles à toute mention de sortie progressive des énergies fossiles, il a fallu leur faire des concessions. Le texte reconnaît ainsi l'existence de technologies capables de réduire l'impact climatique du pétrole, du gaz naturel et du charbon - principalement la captation du dioxyde de carbone produit lors de la combustion des combustibles fossiles pour empêcher les gaz à effet de serre de s'accumuler dans l'atmosphère. Parmi les mesures que les pays sont invités à prendre pour lutter contre le changement climatique figure la suivante : "Accélérer (le développement des) technologies à émissions nulles et faibles, y compris, entre autres, les technologies renouvelables, nucléaires, de réduction et d'élimination telles que le captage, l'utilisation et le stockage du carbone."

Le captage du carbone existe depuis longtemps, mais il reste très coûteux à mettre en place dans certains secteurs, et il n'a jamais été prouvé qu'il pourrait représenter une réponse à l'urgence climatique au niveau mondial. L'hypothèse d'améliorations dans ce domaine reste néanmoins le principal argument avancé par les pays producteurs de pétrole pour défendre la poursuite de leurs activités. Selon une source au fait du dossier, l'Arabie saoudite - chef de file de facto de l'Opep pendant les négociations - a insisté pour que les pays disposent d'un "menu" d'actions possibles pour que chacun puisse suivre sa propre voie.

Où est l'argent ?

Même les délégations les plus satisfaites de l'accord conclu mercredi reconnaissent que c'est là que le bât blesse. Aucun financement supplémentaire n'a notamment été prévu pour aider les pays en développement à faire face au coût énorme de l'abandon progressif des combustibles fossiles. L'accord ne prévoit pas davantage le déblocage des fonds nécessaires pour aider les pays pauvres et vulnérables aux conséquences du changement climatique à s'y adapter.

"L'adaptation est vraiment une question de vie ou de mort", a souligné l'envoyé du Bangladesh pour le climat, Saber Hossain Chowdhury. "Nous ne pouvons pas faire de compromis sur l'adaptation. Nous ne pouvons pas faire de compromis sur les vies et les moyens de subsistance." Ces questions devront pourtant attendre. Elles pourraient figurer au programme de la COP29 l'année prochaine à Bakou, en Azerbaïdjan, autre pays producteur de pétrole et de gaz. Une avancée a néanmoins été obtenue dès le début des négociations à Dubaï, avec l'annonce de la création d'un fonds "Pertes et dommages" destiné à aider les pays pauvres à faire face aux catastrophes naturelles dues au dérèglement du climat.

L'objectif de 1,5° est-il encore atteignable

L'Union européenne, les États-Unis et de nombreux pays se sont dit globalement satisfaits du résultat des négociations, estimant que l'accord conclu à Dubaï maintient une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius au-dessus de la moyenne préindustrielle. Y parvenir sera cependant très difficile : il faudrait réduire les émissions de CO2 de près de moitié en seulement six ans, et atteindre zéro émission nette d'ici 2050. Le projet appelle les pays à le faire, mais l'Alliance des petits États insulaires (AOSIS), qui risquent d'être submergés par la hausse du niveau de la mer résultant du réchauffement climatique, craint qu'il n'en soit rien, vu le retard déjà pris en la matière. La représentante de l'AOSIS à Dubaï, Anne Rasmussen, des îles Samoa, a déclaré à la fin de la COP que l'accord n'avait pas réussi à apporter "la correction de cap nécessaire" à une telle ambition.

(Rédigé par Richard Valdmanis, version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)