(Actualisé avec déclarations d'Ianoukovitch, de Poutine, Hollande et Tusk, précisions)

par Natalia Zinets et Richard Balmforth

KIEV, 2 décembre (Reuters) - Un millier de manifestants ont bloqué lundi l'accès au siège du gouvernement ukrainien, à l'appel de l'opposition qui réclame la démission du président Viktor Ianoukovitch après sa volte-face sur le rapprochement avec l'Union européenne.

En réponse au mot d'ordre de grève générale lancé par les pro-Européens au lendemain d'une manifestation qui a rassemblé environ 350.000 personnes dans les rues de Kiev, des barricades de fortune ont été érigées par les protestataires aux abords des bâtiments gouvernementaux.

Le Premier ministre, Mikola Azarov, a accusé l'opposition de préparer une occupation du Parlement.

Viktor Ianoukovitch a pour sa part lancé un appel au calme en soulignant que toute manifestation devait être pacifique et respectueuse de la loi. "Une mauvaise paix vaut mieux qu'une bonne guerre", a dit le chef de l'Etat dans sa première déclaration publique sur les événements du week-end.

Il a maintenu son voyage de quatre jours en Chine, à partir de mardi.

Le revirement de Kiev sur son rapprochement avec l'UE, annoncé par le gouvernement le 21 novembre, a été entériné vendredi au sommet du partenariat oriental de Vilnius, où Viktor Ianoukovitch a refusé de signer un accord d'association et de libre-échange à ses yeux désavantageux pour l'Ukraine.

Viktor Ianoukovitch a en outre entrepris de relancer les relations avec la Russie, ce qui a suscité la colère de la frange de la population ukrainienne désireuse de voir son pays, ancienne république soviétique, se soustraire à l'influence de Moscou.

En déplacement en Arménie, Vladimir Poutine a dénoncé une contestation orchestrée de l'étranger afin de déstabiliser le pouvoir légitime en Ukraine.

"Cela me rappelle plus un pogrom qu'une révolution", a dit le président russe, en voyant dans les manifestants des "organisations partisanes très bien préparées et formées".

INTERVENTION DE LA BANQUE CENTRALE

"Il ne s'agit pas d'une révolution mais d'un mouvement parfaitement préparé qui, de mon point de vue, n'a pas été organisé pour aujourd'hui mais (...) en vue de la campagne pour l'élection présidentielle (ukrainienne) en mars 2015", a-t-il ajouté. "C'est une tentative de déstabiliser les autorités actuelles et, je veux insister là-dessus, légitimes du pays."

Ces troubles ont amené la banque centrale d'Ukraine à intervenir sur les marchés pour soutenir la devise nationale, la hryvnia, signe de la fragilité de l'économie ukrainienne.

Le gouvernement ukrainien va devoir trouver plus de 17 milliards de dollars (12,5 milliards d'euros) en 2014 pour honorer ses factures de gaz et ses dettes.

La brutale dispersion des manifestants pro-UE samedi matin place de l'Indépendance, haut-lieu de la "révolution orange" de décembre 2004 dans le centre de Kiev, a renforcé la détermination de l'opposition.

"On est obligés de se défendre et de défendre nos acquis", dit Taras Revounets, l'un des occupants de l'Hôtel de ville de Kiev, transformé en centre opérationnel par des centaines de manifestants rassemblés là depuis dimanche.

Sur la place de l'Indépendance, des manifestants ont à nouveau établi des campements de fortune.

Une tribune a été installée pour les orateurs au centre de la place, fermée par des barricades dressées pendant la nuit à l'aide de bancs publics, de barrières de police et de morceaux d'un faux sapin de Noël géant. Des prêtres orthodoxes sont venus prier pour les blessés. La police est discrète.

Non loin, des manifestants bloquent le principal accès au siège du gouvernement. "Les employés ne peuvent pas entrer dans le bâtiment. Des négociations se poursuivent avec les manifestants pour permettre aux employés d'entrer", a déclaré le porte-parole du Premier ministre.

LÉGITIMITÉ

Depuis son élection en février 2010, Viktor Ianoukovitch dit vouloir trouver un équilibre entre le rapprochement avec l'Europe et la préservation de liens amicaux avec la Russie. Mais les pro-Européens l'accusent de s'aligner sur Moscou.

"Ianoukovitch fera tout ce que lui dit (le président russe Vladimir) Poutine", dit l'un d'eux, Oleksander, 49 ans. "Il a perdu toute légitimité depuis longtemps. Sa décision d'envoyer des policiers taper sur des enfants était la goutte d'eau."

Du côté du parti présidentiel, on juge que l'opposition présume de ses forces. "L'opposition croit venu son moment de gloire. Je crois que ce n'est pas le cas", déclare le chef du groupe parlementaire pro-Ianoukovitch.

Il était difficile d'évaluer l'impact de l'appel à la grève générale dans les activités des secteurs public et privé. Les transports en commun et les hôpitaux de la capitale, qui compte trois millions d'habitants, fonctionnaient normalement.

A Lviv, deuxième ville du pays à la réputation "pro-européenne", les autorités ont déclaré que la grève était principalement le fait des entreprises privées et des étudiants.

Le président français, François Hollande, et le Premier ministre polonais, Donald Tusk, dont le pays est frontalier de l'Ukraine, ont exprimé leur "préoccupation face aux événements" en Ukraine et "condamné les violences", dit l'Elysée à la suite d'une conversation téléphonique entre les deux hommes. (Tangi Salaün, Jean-Stéphane Brosse et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Gilles Trequesser)