par Samia Nakhoul, Nidal al-Mughrabi, Matt Spetalnick et Laila Bassam

DUBAI/GAZA/WASHINGTON, 8 octobre (Reuters) - L'attaque spectaculaire et meurtrière menée par le Hamas en territoire israélien vise aussi à porter un coup aux efforts de Washington pour obtenir une normalisation des liens entre Israël et l'Arabie saoudite, qui pourrait menacer le récent rapprochement entre Ryad et Téhéran.

Les Etats-Unis poussent à un accord de normalisation des liens entre l'Etat hébreu et le royaume wahhabite en échange d'un pacte de défense entre Ryad et Washington. Israël a déjà formalisé des liens avec les Emirats arabes unis, le Maroc, le Soudan et Bahreïn dans le cadre des accords dits d'Abraham.

"Tous les accords de normalisation que vous (les pays arabes) avez signés (avec Israël) ne mettront pas fin au conflit", a prévenu samedi le chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à l'antenne de la chaîne panarabe Al Djazira.

"C'est un message à l'Arabie saoudite, qui se rapproche lentement d'Israël, et aux Américains qui soutiennent la normalisation", a déclaré une source au fait de la réflexion en cours en Iran et au sein du Hezbollah libanais pro-iranien.

"Il n'y aura pas de sécurité dans la région tant que les Palestiniens seront laissés en dehors de l'équation", a-t-elle ajouté. "Ce qui s'est produit est au-delà de toute attente. C'est un tournant dans le conflit."

L'attaque du Hamas fait suite à des mois de recrudescence de la violence en Cisjordanie occupée, où se multiplient raids israéliens, attaques de rue palestiniennes et expéditions de colons israéliens contre des villages palestiniens.

"Pour ceux qui veulent la stabilité et la paix dans la région, le point de départ doit être la fin de l'occupation israélienne", a déclaré à Reuters Osama Hamdan, chef du Hamas au Liban. "Certains (Etats arabes) ont malheureusement commencé à imaginer qu'Israël pouvait être la porte d'entrée vers l'Amérique pour défendre leur sécurité."

SIGNAL

"Même si ce n'est probablement pas le principal moteur de ces attaques, les actions du Hamas envoient un signal clair aux Saoudiens pour dire que la question palestinienne ne doit pas être traitée comme un sujet secondaire dans des négociations sur la normalisation", écrit Richard LeBaron, ancien diplomate américain au Proche-Orient, consultant à l'Atlantic Council, un groupe d'études basé à Washington.

Un haut responsable de l'administration de Joe Biden a estimé qu'il était "vraiment trop tôt pour spéculer" sur les conséquences de cet assaut du Hamas sur les discussions entre Ryad et Washington.

"Je tiens pour certain que le Hamas, les groupes terroristes comme le Hamas, ne feront pas dérailler le processus, qui n'en est qu'à ses débuts", a-t-il ajouté.

Selon une source régionale au fait des négociations entre Américains, Israéliens et Saoudiens, le gouvernement conservateur d'Israël fait une erreur en refusant d'envisager des concessions pour les Palestiniens.

En réponse aux attaques du Hamas, l'Arabie saoudite a appelé à une "cessation immédiate des violences" de part et d'autre.

Quant à l'Iran, il ne fait pas mystère de son soutien financier et militaire au Hamas et à son allié palestinien du Djihad islamique. Téhéran a estimé que l'attaque du Hamas était une action de légitime défense des Palestiniens.

"L'Iran a les mains, pas une main, sur chaque roquette tirée vers Israël", a déclaré un responsable palestinien proche des groupes armés islamistes. "Cela ne veut pas dire que l'Iran a ordonné l'attaque, mais tout le monde sait que grâce à l'Iran, le Hamas et le Djihad islamique ont pu renforcer leur arsenal."

Pour les observateurs de la région, la mort de quatre soldats bahreïnis tués par des rebelles houthis la semaine dernière au Yémen, qui menace les efforts de paix dans le pays, s'apparentait déjà à un avertissement de Téhéran contre tout accord entre Ryad et Washington.

"Tout cela vise à empêcher une percée entre les Etats-Unis, l'Arabie saoudite et Israël", a résumé Dennis Ross, ancien négociateur américain au Proche-Orient, désormais à l'Institut pour la politique au Proche-Orient à Washington. (version française Jean-Stéphane Brosse)