L’approche novatrice de Buterin et des chercheurs propose non seulement une méthode améliorée de création de mélangeurs de cryptomonnaies, mais elle laisse également entrevoir une voie qui pourrait éviter les démêlés avec la justice. Ou autrement dit, cette approche permettrait théoriquement d’éviter aux créateurs de mélangeurs crypto de passer par la case prison. 

Si vous êtes déjà perdus avec le terme "mélangeur de cryptomonnaies", ne vous inquiétez pas, on y revient concrètement un peu plus bas. 

Avant tout, le nouveau document théorique, proposé par Buterin et les chercheurs, intitulé “
Confidentialité de la blockchain et conformité réglementaire : vers un équilibre pratique” est disponible à la lecture : ici

Et si vous êtes passés à côté, sachez que ce document suscite une grande attention dans la cryptosphère. Il décompose méticuleusement la synthèse des technologies propres à la sphère blockchain, telles que les preuves à connaissance nulle (Zero-knowledge proof), toujours populaires, avec les "Privacy Pools", relativement inexplorés. Le résultat ? Une innovation qui se distingue par son originalité et son impact potentiel sur les transactions cryptos. Alors de quoi parle-t-on concrètement ? 

Une innovation qui pose question

La solution proposée présente de multiples facettes. D'un point de vue technologique, elle promet une plateforme où les utilisateurs peuvent masquer leurs activités sur la blockchain de manière pratique et sécurisée. Sur le plan social, elle responsabilise les utilisateurs en leur donnant la possibilité de se dissocier des malfaiteurs potentiels, en particulier de ceux qui pourraient exploiter ces outils de protection de la vie privée à des fins de blanchiment d'argent ou d'autres projets illicites.

Toutefois, l'équilibre entre une conformité rigoureuse et la protection de la vie privée ne fait pas l'unanimité. Certains piliers de la communauté cypherpunk, qui ont toujours été à l'avant-garde de la défense de la vie privée et de la liberté numériques, se méfient de cette sélectivité. Leur principal argument tourne autour du principe fondamental selon lequel les outils numériques devraient se démocratiser et mettre tous les participants sur un pied d'égalité, sans aucune forme de discrimination.

L'expression "respect de la vie privée" vient s'ajouter au débat. Compte tenu des lois financières historiques telles que la loi sur le secret bancaire (Bank  Secrecy Act), ce concept semble être un paradoxe avec lequel beaucoup se débattent.

Ainsi une question fondamentale se pose : Comment assurer la confidentialité financière sur une blockchain sans sacrifier la transparence inhérente qui fait partie intégrante de son fonctionnement ?

Et oui, la transparence de la blockchain a toujours été sa marque de fabrique. Alors qu'elle facilite un système sans confiance, assurant une validation et un règlement facile des transactions, c'est cette même transparence qui devient une source de préoccupation, en particulier si le pseudo-anonymat inhérent à la blockchain est violé.

Si les outils et les précautions actuels permettent un certain degré de confidentialité des transactions sur des plateformes comme Bitcoin ou Ethereum, parvenir à un anonymat complet est une chose complexe, qui s'apparente à la navigation dans un labyrinthe avec une diligence persistante.

En fait, assurer son anonymat sur Bitcoin ou Ethereum c'est comme prendre un travail à temps partiel pour bien faire les choses, en s'assurant que vous contrôlez vos propres actions, et sur une période suffisamment longue, vous allez soit faire une erreur, soit Chainalysis va construire un outil pour suivre à la trace. 

Tornado Cash, fer de lance des mélangeurs de cryptomonnaies

Sur le plan de la confidentialité blockchain, il y a eu des lueurs d'espoir avec des outils comme Tornado Cash, un mélangeur de cryptomonnaies centré sur Ethereum. Il offrait aux utilisateurs un semblant de solution pour masquer l'historique de leurs transactions. Toutefois, dans le contexte juridique et réglementaire actuel, la légitimité de ces mélangeurs de cryptomonnaies reste incertaine et beaucoup les considèrent avec méfiance.

Imaginez Tornado Cash, ou tout autre mélangeur de cryptomonnaies, comme une grande machine à laver commune qui ne s'arrête jamais de fonctionner - les gens peuvent vous voir déposer vos t-shirts sales et les récupérer plus tard, mais si vous laissez vos vêtements assez longtemps et qu'il y a suffisamment de liquidité, tout le monde perdra probablement de vue qui possède quoi (dans cet exemple, les t-shirts de tout le monde sont les mêmes parce que tous les éthers sont interchangeables). 

Mais Tornado Cash est totalement interdit si vous ne voulez pas risquer d'être confronté à des violations de sanctions. Les laveries automatiques ne sont pas toutes des repaires de mauvais acteurs, bien sûr, mais à ce stade, tous les mélangeurs de cryptomonnaies devraient être considérés comme illégaux. Que les bonnes intentions et les droits civils soient damnés. 

Un avenir prometteur mais semé d'embûches

La véritable avancée, proposée par Buterin et les chercheurs, est résumée dans le concept d'"ensemble d'associations". Cette idée offre une plateforme permettant à un groupe d'utilisateurs de cryptomonnaies vérifiés et dignes de confiance de gérer leurs mélangeurs de cryptomonnaies, en utilisant la sophistication des preuves à connaissance nulle. Sans rentré dans les détails techniques, ces preuves agissent comme des gardiens, garantissant la légitimité des fonds et écartant les entités malveillantes.

Pourtant, la question à un million de dollars reste posée : Ce système pionnier résistera-t-il au creuset des applications réelles ou des évaluations juridiques ? Bien que l'équipe reconnaisse qu'il pourrait être nécessaire de procéder à des ajustements pour assurer la conformité régionale dans chaque partie du globe, l'avenir de cette innovation reste très prometteur.

En fin de compte, le récit général est clair. La protection de la vie privée reste une pierre angulaire de la sphère blockchain publique et les cryptomonnaies devraient être privées. A l'origine, le respect de la vie privée et la résistance à la censure étaient à peu près les seules raisons d'être de la crypto, à part la réalisation d'expériences économiques et technologiques bizarres. Dans une certaine mesure, il importe peu que les cryptomonnaies soient utilisées à cette fin, étant donné que le nombre de personnes qui s'intéressent à la protection de la vie privée et à la résistance à la censure ne représente qu'une très petite niche.

Ethereum, souvent synonyme de “cryptomonnaie volatile”pour de nombreux utilisateurs dans le monde, présente une énigme. Sur sa trajectoire actuelle, il est presque impossible pour les utilisateurs d'effectuer des transactions sans exposer en toute transparence leurs antécédents financiers sur la blockchain - une situation qui nécessite une innovation immédiate. Celle proposée par Buterin et les chercheurs serait-elle la bonne ? Seul l’avenir nous le dira.