* Matignon refuse un déplafonnement des "frais de notaire"

* Les départements dénoncent une "mesure de rétorsion"

PARIS, 21 juin (Reuters) - Le gouvernement a finalement exclu d'autoriser un déplafonnement des frais de notaires après le refus d'une majorité de départements de signer des contrats avec l'Etat pour limiter la progression de leurs dépenses, a-t-on appris jeudi à Matignon.

A neuf jours de la date limite fixée pour que 322 grandes collectivités locales signent avec l'Etat ces contrats de performance financière visant à contenir la progression de leurs dépenses de fonctionnement, le climat s'envenime entre l'exécutif et les représentants des collectivités.

L'Assemblée des départements de France (ADF) "a finalement dit non à la contractualisation, dont acte, la proposition n'est plus sur la table", déclare-t-on à Matignon.

L'exécutif avait accepté mi-mai d'étudier, à la demande de l'ADF, un déplafonnement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO, appelés communément "frais de notaires", qui recouvrent également les taxes liées à la vente d'un bien immobilier).

Mais le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire avait immédiatement fait part de son opposition à cette mesure revenant à alourdir les impôts.

Les recettes dégagées par une "augmentation très modérée" de ces taxes - selon les termes de l'ADF - auraient contribué à aider les départements les plus pénalisés par les allocations individuelles de solidarité (RSA et aides sociales pour les personnes âgées et les handicapés), via un fonds également alimenté par des aides supplémentaires de l'Etat.

La décision de Matignon a été accueillie avec "tristesse" et "consternation" par l'ADF, a déclaré son président, Dominique Bussereau, dans un communiqué, en dénonçant une "mesure de rétorsion".

PASSES D'ARMES

"Ce revirement va mettre en grave difficulté de nombreux départements, ruraux et urbains, qui seront privés des ressources de l'Etat et de la péréquation intra-départementale, financée par une augmentation très modérée des DMTO, comme l'ADF l'avait proposé", poursuit l'élu de Charente-Maritime.

La question de ces contrats de performance financière a déjà fait l'objet d'échanges indirects acerbes mercredi entre le président de l'association Régions de France, Hervé Morin, et le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin.

Face au refus d'une majorité de régions de signer ces contrats, Gérald Darmanin a dénoncé des manoeuvres "politiciennes" et brandi la menace voilée de baisses de dotations en 2019.

Dominique Bussereau et Hervé Morin ont fait part de leur volonté d'une concertation commune avec l'Association des maires de France (AMF), concernant l'"avenir" des relations entre les collectivités locales et l'Etat, alors que la prochaine Conférence nationale des territoires est prévue mi-juillet.

Au total, 322 grandes collectivités (régions, départements, communautés d'agglomération ou de communes) dont les dépenses annuelles de fonctionnement dépassent 60 millions d'euros et qui représentent à elles seules les deux tiers des dépenses locales sont invitées à signer ces contrats de performance financière avec l'Etat.

L'objectif est de limiter le rythme de progression annuel des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, auxquelles le gouvernement a demandé un effort de 13 milliards d'euros au cours du quinquennat. En contrepartie, l'Etat s'est engagé à ne pas baisser ses dotations.

Le Premier ministre Edouard Philippe a rappelé jeudi, lors de la séance des questions au gouvernement au Sénat, qu'un certain nombre de critères seraient pris en considération pour moduler l'objectif d'évolution des dépenses en fonction des caractéristiques locales, à la hausse ou à la baisse par rapport au plafond de référence de 1,2%.

Que le contrat soit signé ou non, "l'idée c'est qu'il y a un bonus pour ceux qui sont vertueux et qu'il y a un malus pour ceux qui ne sont pas vertueux", selon les termes de Gérald Darmanin.

Ce dispositif, perçu comme une atteinte à la décentralisation par bon nombre d'élus locaux, s'ajoute à d'autres points de tension entre l'exécutif et les collectivités, qu'il s'agisse des réserves des régions sur la réforme de l'apprentissage ou des inquiétudes sur la réforme à venir de la fiscalité locale. (Myriam Rivet, avec Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)