PARIS, 18 septembre (Reuters) - Le rappel par la France de ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie est "un acte politique lourd" qui montre la "force de la crise", a déclaré samedi le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
Cette mesure est intervenue après l'annulation par Canberra du contrat de fourniture de sous-marins français au profit d'un partenariat stratégique avec Washington et Londres, une décision qui a provoqué la stupeur et la fureur de Paris.
Vendredi soir, la France a annoncé avoir rappelé ses ambassadeurs aux Etats-Unis et en Australie pour consultations en raison de la "gravité exceptionnelle" des annonces faites par l'Australie et les Etats-Unis, provoquant une crise diplomatique sans précédent.
"Le fait que, pour la première fois dans l'histoire des relations entre les Etats-Unis et la France, on rappelle notre ambassadeur pour consultations est un acte politique lourd et qui signifie la force de la crise qui existe aujourd'hui avec les Etats-Unis et aussi avec l'Australie", a déclaré Jean-Yves Le Drian sur France 2.
"Il y a duplicité, il y a mépris, il y a mensonge; on ne peut pas jouer dans les alliances comme cela", a dénoncé le ministre.
"Nous sommes des alliés, et donc quand on a un allié, on ne traite pas avec une telle brutalité, une telle imprévisibilité un partenaire majeur qu'est la France", a-t-il ajouté, évoquant une "rupture de confiance" avec les Etats-Unis.
Interrogé sur le fait de savoir si le président Emmanuel Macron et son homologue américain Joe Biden s'étaient parlé, Jean-Yves Le Drian a répondu: "Pas à ma connaissance".
"ÉNORME ERREUR"
Plus tôt samedi, l'ambassadeur de France en Australie, Jean-Pierre Thébault, avait déclaré que Canberra avait commis une "énorme" erreur diplomatique.
"Je pense que cela a été une énorme erreur, une très, très mauvaise gestion du partenariat - parce que ce n'était pas un contrat, c'était un partenariat qui était censé être basé sur la confiance, la compréhension réciproque et la sincérité", a-t-il dit à la presse.
De son côté, la Malaisie a exprimé samedi ses inquiétudes après l'annonce du nouveau partenariat de sécurité et de défense entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie, disant redouter une course à l'armement nucléaire dans la région indo-pacifique où Pékin renforce son influence.
"Cela poussera d'autres puissances à agir également de manière plus agressive dans la région, en particulier dans la mer de Chine méridionale", a déclaré le bureau du Premier ministre de Malaisie dans un communiqué, sans mentionner ouvertement la Chine.
LA FRANCE VEUT DES EXPLICATIONS
L'Australie a dit regretter le rappel de l'ambassadeur de France et comprendre la déception de Paris. De son côté, un responsable de la Maison blanche a déclaré que les Etats-Unis s'emploieraient ces prochains jours à régler leurs divergences avec Paris.
"Ce n'est pas fini", a prévenu pour sa part Jean-Yves Le Drian samedi.
Le ministre des Affaires étrangères a indiqué que la France allait demander des explications à l'Australie alors que l'accord qui a été signé en 2016 avec Canberra "prévoit des clauses lorsqu'une des parties veut quitter l'accord".
"Il y a des dispositions qui indiquent que d'abord, la partie qui veut rompre le fait savoir par écrit. Pour l'instant, nous n'avons pas reçu cette rupture de l'accord intergouvernemental", a-t-il dit sur France 2. "Et ensuite, il faut 12 mois de discussions pour aboutir à une rupture potentielle si une des deux parties veut rompre au bout de 24 mois", a expliqué le ministre.
"Nous allons donc agir pour demander des explications aux Australiens, pour savoir comment ils comptent eux-même respecter l'accord qu'ils ont eux-même signé".
(Reportage Blandine Hénault)