Le virus identifié en Chine en décembre 2019 commence à inquiéter les milieux d'affaires. Il a fait une neuvième victime et un premier cas a été identifié à Seattle aux Etats-Unis : un homme qui a séjourné à Wuhan, la ville où le premier patient avait été diagnostiqué en décembre. Environ 440 personnes ont été prises en charge en Chine et quelques autres dans plusieurs Etats d'Asie.

Les autorités s'emploient à limiter la propagation, ce qui rime avec contrôle accrus aux aéroports et limitation de certains déplacements. L'OMS se réunit spécialement ce soir pour examiner la situation.

Quel impact pour l'économie ?

Un document publié en 2017 par les économistes Victoria Fan, Dean Jamison et Lawrence Summers, fondé sur une vaste épidémie de grippe, a estimé que les pertes annuelles d'un tel événement pourraient représenter 500 Mds$, soit 0,6% du revenu mondial, en intégrant les pertes économiques et le coût d'une mortalité élevée, en l'espèce plusieurs centaines de milliers de décès.

Une autre étude réalisée en 2016 par la Commission sur un cadre mondial de gestion des risques sanitaires pour l'avenir a estimé que les pandémies coûteraient à l'économie mondiale plus de 6 000 Mds$ au XXIe siècle, soit plus de 60 Md$ par an.

Jauger l'impact d'une pandémie est un exercice difficile, d'autant que les dernières crises ont pu être jugulées dans le temps ou dans l'espace, ou ont eu lieu au milieu d'autres événements. L'épidémie de SRAS, au début du millénaire, a eu un impact, mais il a été compliqué à détailler puisque les Etats-Unis en envahi l'Irak en mars 2003. Sur les marchés boursiers, l'impact des pandémies a jusqu'ici été limité : après que les autorités chinoises ont signalé l'épidémie de SRAS à l'OMS en 2003, l'indice MSCI Chine a plus souffert que les autres indices mondiaux, mais il a rattrapé son retard en six mois.

Le SRAS a eu un effet limité sur les actions chinoises

Le SRAS a eu un effet limité sur les actions chinoises

Le coût du SRAS

Dans une autre étude réalisée par de Jong-Wha Lee et Warwick McKibbin, le coût de la crise du SRAS en 2003 a été estimé à 40 Mds$ à l'échelle planétaire. Un autre rapport de l'IATA (Association internationale du transport aérien), réalisé en 2006, a calculé un impact de 0,1% sur le PIB mondial.

Impact de l'épidémie de SRAS de 2003 sur le PIB

Impact de l'épidémie de SRAS de 2003 sur le PIB

Qui souffre et qui gagne sur les marchés ?

Les réactions des investisseurs à l'annonce d'une épidémie sont prévisibles : les valeurs pharmaceutiques en profitent et celles liées au tourisme (transport aérien, hôtellerie, luxe…) souffrent. Lors de l'épidémie de SRAS, les chiffres des ventes au détail en Chine ont connu une baisse marquée et les dépenses de consommation ayant été affectées : c'est un impact réel, mais bref.

Les dépenses de consommation en Chine ont chuté pendant l'épidémie de SRAS

Les dépenses de consommation en Chine ont chuté pendant l'épidémie de SRAS

Sur la séance boursière du mardi 21 janvier, les laboratoires chinois Jiangsu Bioperfectus Technologies, Shandong Lukang Pharmaceutical et Jiangsu Hengrui Medicine ont gagné du terrain sur le marché, ainsi que les fabricants de masques Tianjin Teda et Shanghai Dragon.

A l'inverse, Air-France KLM ou Lufthansa, LVMH ou Kering ont pâti de la situation.

Gagnants et perdants

Gagnants et perdants

Taux de mortalité et impact économique

Un document du FMI rédigé par David Bloom, Daniel Cadarette et JP Sevilla note que même lorsque l'impact sanitaire d'une épidémie est relativement limité, les conséquences économiques peuvent être rapidement amplifiées. Les auteurs citent le cas du Libéria lors de l'épidémie d'Ebola de 2014, qui a vu la croissance du PIB diminuer alors même que le taux de mortalité global du pays chutait au cours de la même période.

PIB du Libéria vs. taux de mortalité pendant la crise d'Ebola

PIB du Libéria vs. taux de mortalité pendant la crise d'Ebola

Le mot de la fin est pour Robert Carnell, économiste en chef d'ING Asie Pacifique : "ce qui a effrayé les gens à propos du SRAS, c'est le taux de mortalité...Les gens ne prenaient pas les transports publics, ne se rendaient pas au travail, ne fréquentaient pas les magasins, les restaurants, les cinémas, les conférences, etc. L'impact de la maladie a été massif sur l'économie, mais presque entièrement indirect, en raison du comportement préventif de la population".

Cas de SRAS vs. décès

Cas de SRAS vs. décès

On l'aura compris, tout va dépendre, dans les jours ou les semaines qui viennent, de la capacité des autorités à juguler la propagation et à communiquer sur le coranavirus. Durant ce laps de temps, l'activité économique, essentiellement en Chine, risque de patir des comportements de précaution des individus.