* "Nous oublierons l'Europe", dit le ministre des AE

* Damas engage la Turquie à changer de position

(actualisé avec Ban Ki-moon §11 et opposants §13)

par Mariam Karouny

BEYROUTH, 22 juin (Reuters) - La Syrie a fustigé mercredi le refus de l'UE de prendre en compte les promesses de réformes de son président, accusant l'Europe de chercher à "semer le chaos" sur son territoire et menaçant de privilégier d'autres pays sur les plans diplomatique et commercial.

Le chef de la diplomatie syrienne, Walid al Moualem, a aussi estimé, malgré les pressions internationales croissantes dont fait l'objet Damas après trois mois de contestation intérieure, que son pays n'était pas menacé d'une intervention militaire étrangère comme celle de l'Otan contre la Libye.

L'Union européenne est convenue mercredi d'étendre ses sanctions contre la Syrie à quatre entités liées à l'armée ainsi qu'à sept personnes, dont trois Iraniens, impliquées dans la répression du mouvement de contestation.

Avant la crise en cours, les pays occidentaux comptaient sur Damas pour limiter son alliance stratégique avec l'Iran.

"Les réactions des responsables de l'Union européenne au discours du président Assad (montrent qu'ils) ont un plan qu'ils veulent poursuivre afin de semer la dissension et le chaos en Syrie", a dit Moualem lors d'une conférence de presse à Damas.

Reuters a capté cette intervention télévisée de l'extérieur du pays, ses correspondants ayant été expulsés de Syrie.

"Nous oublierons que l'Europe figure sur la carte et nous nous tournerons vers l'est, le sud et partout où une main est tendue à la Syrie. Le monde ne se réduit pas à l'Europe. La Syrie reste ferme", a ajouté le ministre.

La Russie et la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu, ont refusé de soutenir un texte de résolution européen visant à condamner la Syrie pour la répression du mouvement de protestation.

APPEL À LA TURQUIE

Dans un discours prononcé lundi, son troisième depuis le début des manifestations contre son régime à la mi-mars, le président Bachar al Assad a prôné un "dialogue national" et annoncé l'élaboration prochaine d'un programme de réformes.

Nombre de Syriens et de dirigeants internationaux ont rejeté ses engagements en les qualifiant d'insuffisants.

Interrogé au sujet de ce discours, Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'Onu, a déclaré mercredi ne pas percevoir "beaucoup de crédibilité dans ce qu'il a dit".

Après l'intervention du chef de l'Etat, les violences ont continué dans le pays, où sept personnes ont été tuées mardi par des hommes armés dans deux villes au cours de manifestations d'éléments pro et anti-Assad, selon un militant d'opposition.

Des défenseurs des droits de l'homme ont fait état de centaines d'arrestations depuis mardi.

Moualem a souligné que son pays n'accepterait aucune exigence venant de "l'extérieur de la Syrie".

Il a engagé la Turquie voisine, naguère proche allié de Damas mais à présent très critique envers Assad, à réviser sa réaction très froide au discours présidentiel, soulignant que la Syrie tenait à entretenir les "meilleures relations avec la Turquie".

En mai, l'UE avait inscrit Assad et d'autres hauts responsables sur une liste de personnes interdites de déplacement dans l'Union et soumises à des blocages d'avoirs. Mardi, un diplomate européen a déclaré que la Grande-Bretagne et la France avaient préparé des listes ajoutant quelques personnes et institutions à celles qui étaient déjà visées.

La liste proposée par les Britanniques comprend aussi deux ressortissants iraniens impliqués dans la fourniture de matériels et d'assistance pour la répression des dissidents en Syrie, mais l'un des 27 pays membres de l'UE ne l'a pas approuvée jusqu'ici, a précisé le diplomate.

Walid al Moualem a démenti que l'Iran ou ses alliés du Hezbollah libanais soient intervenus contre des manifestants syriens, ajoutant que les meurtres de certains policiers et soldats permettaient de soupçonner le réseau Al Qaïda d'être à l'origine d'une partie des incidents.

"Je ne cacherai pas que certaines des méthodes que nous avons vu employer dans les meurtres de représentants de la sécurité laissaient penser que ces actes étaient le fait d'Al Qaïda", a-t-il dit sans fournir de précisions. (Philippe Bas-Rabérin et Bertrand Boucey pour le service français)