SAP : un géant européen un peu seul

Le groupe allemand est la preuve que la technologie européenne est capable de produire des leaders de qualité. SAP fêtera ses 50 ans l'année prochaine. C'est le numéro un mondial des éditeurs de logiciels de gestion, un marché très fragmenté dont il détient environ 7% des parts à l'échelle mondiale. Les ERP SAP sont déployés chez Apple, General Motors ou Walmart. Ils sont un peu plus répandus que ceux d'Oracle, son dauphin, ou d'Intuit, qui occupe la 3e marche du podium. Les dix plus gros fournisseurs pèsent environ le tiers du marché, et se retrouvent en concurrence avec une multitude d'acteurs plus petits et plus jeunes. Toutefois, ils ont fait des très grandes entreprises leur chasse gardée, car ils ont l'envergure nécessaire, avec leurs intégrateurs, pour opérer à une échelle que leurs rivaux plus petits ne peuvent atteindre.

Financièrement, SAP est en panne de croissance et affiche des ratios de valorisation plutôt tendus. Dans un monde qui ne jure que par le distanciel et les solutions numériques, l'avertissement lancé par la société en fin d'année dernière à la fois sur ses prévisions 2020 et ses objectifs 2023 a fait tache. Comme la plupart des aristocrates d'un secteur, SAP a un peu trop vécu sur ses acquis et s'est fait déborder par l'offre cloud de ses néo-concurrents plus agiles. Le groupe allemand développe sa propre palette SaaS, mais reste encore dépendant de son héritage. "Les solutions sur site sont tellement nineties !" soulignait encore récemment un analyste. C'est dire l'ambiance. Le retour à une croissance digne de ce nom est attendu à partir de 2023 au mieux, grâce au développement des nouvelles offres et aux acquisitions, qui sont censées permettre d'étoffer la gamme. Cela devrait aussi permettre à l'entreprise de s'affranchir d'un modèle qui fonctionne par à-coups, au gré des signatures de gros contrats, qui interviennent souvent en fin d'exercice. En attendant, les investisseurs vont devoir prendre leur mal en patience et faire confiance au management pour transformer la boutique.

Dassault Systèmes : top-model(isation)

La France compte un seul gros éditeur de logiciels, mais c'est le numéro un mondial de sa spécialité, la conception assistée par ordinateur (CAD) et la gestion du cycle de vie des produits (PLM). La signature plus récente de la société consiste à mettre en avant les outils de conception 3D. "En termes strictement qualitatifs, il s'agit sans doute du meilleur business coté en France, ex-aequo avec LVMH", expliquait en 2019 Thomas Gouttman, un investisseur qui connaît bien l'entreprise. Depuis des années, le groupe dépasse inlassablement ses objectifs, malgré quelques défis liés à une diversification en-dehors de ses industries originelles, l'aéronautique (le logiciel a été développé par et pour Dassault Aviation) et l'automobile. DSY opère désormais dans des secteurs plus variés, notamment les sciences de la vie et l'emballage. Ses concurrents sont à la fois des gros acteurs généralistes comme les inévitables Oracle et SAP, mais aussi des spécialistes tels qu'Autodesk et PTC. Dassault Systèmes affiche des marges indécentes (30,2% de marge d'exploitation en 2020, une année médiocre) et la valorisation qui va avec : en données ajustées, le PER 2021 dépasse 40 fois. Toutefois, et contrairement à SAP, l'entreprise française affiche des perspectives de croissance plus attrayantes car elle a démarré sa mue plus tôt. En dépit de ratios très haut de gamme, Dassault Systèmes semble dans une situation plus favorable que son voisin allemand, pour deux raisons. D'abord les barrières à l'entrée sur son marché sont plus élevées, ce qui réduit le nombre de concurrents en lice. Ensuite sa stratégie est plus claire et son management plus stable, une garantie importante dans un secteur où il faut savoir mêler continuité et innovation en permanence.

Le match SAP / DSY
Le match SAP / DSY : 117 points partout, balle au centre (Zonebourse)

Le match : facialement, c'est un match nul sur les notations Surperformance des deux entreprises, comme l'illustre le graphique ci-dessous. Mais dans le détail, Dassault Systèmes affiche des performances plus élevées sur les métriques clefs. SAP parvient à égaliser parce que son score de valorisation est un peu moins extrême que celui du Français. Avantage donc à DSY sur SAP en matière d'investissement. Le Français publie ses trimestriels le 27 juillet et l'Allemand le 21 juillet.

En complément, le TOP20 des éditeurs européens cotés de la catégorie "Logiciels" (hors éditeurs intégrés aux SSII) : 

Logiciels en Europe

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