Genève (awp/ats) - Le procès en appel de Beny Steinmetz s'ouvre lundi à Genève. Le roi des mines franco-israélien de 66 ans a été condamné en janvier 2021 à cinq ans de prison pour corruption d'agents publics étrangers en Guinée et faux dans les titres. Le milliardaire et ses deux acolytes ont fait recours.

Après le Tribunal correctionnel de Genève, la Chambre pénale d'appel et de révision aura huit jours pour se pencher sur une affaire qui concerne l'obtention de droits dans la région du Simandou, en Guinée, où se trouve un des plus importants gisements inexploités de fer de la planète. L'instruction a duré sept ans, et le dossier compte plus de quatre millions de pièces.

Résident à Genève au moment des faits, Beny Steinmetz a été reconnu coupable d'avoir versé, entre 2006 et 2012, 8,5 millions de dollars en pots-de-vin à la quatrième épouse du président guinéen Lansana Conté. Selon la justice, l'objectif de son groupe minier - Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) - était d'obtenir les droits alors détenus par le géant anglo-australien Rio Tinto.

Même si les versements à Mamadie Touré n'ont eu lieu qu'après la mort de Lansana Conté en 2008, les juges ont considéré que le président, malade, a cédé une partie des droits sur la base d'une promesse. BSGR a dépensé 160 millions de dollars pour deux concessions, puis il a vendu 51% de ses actions au Brésilien Vale pour 2,5 milliards, dont 500 millions lui ont été versés.

Pour le tribunal, M. Steinmetz a retiré un "profit mirobolant" de cette vente, d'où sa condamnation à une créance compensatrice de 50 millions de francs suisses en faveur de l'Etat de Genève. Concernant l'accusation de faux dans les titres, les juges ont conclu que le milliardaire avait bel et bien simulé la vente d'une société offshore détenant fictivement des terrains en Roumanie, afin de faire transiter une partie des fonds destinés à Mme Touré.

"Pacte corruptif"

Les juges de première instance ont ainsi suivi la thèse d'un "pacte corruptif" avancée par le Ministère public. Un Français de 59 ans y a joué un rôle-clé en permettant à BSGR d'accéder au pouvoir guinéen grâce à Mme Touré. Pour le Tribunal correctionnel, cet intermédiaire a trouvé les moyens de faire parvenir les fonds à la veuve du président en prenant soin de cacher leur provenance.

L'homme de terrain et ses deux associés ont reçu 34,5 millions de dollars de rémunération grâce au rachat de leur société-écran par une société de BSGR. Il a été condamné à Genève à 3,5 ans de prison et à une créance compensatrice de 5 millions de francs suisses.

Troisième protagoniste de ce pacte, la directrice administrative à Genève de sociétés de Beny Steinmetz a, elle, été condamnée à deux ans de prison avec sursis et à une créance compensatrice de 50'000 francs suisses. Les juges ont considéré que cette Belge de 52 ans a pris part au montage complexe de structures destiné à brouiller les pistes des paiements et cacher des noms. Les trois prévenus comparaîtront libres.

La défense plaidera à nouveau l'acquittement. Elle a préparé le terrain médiatique avec la diffusion, par une agence de communication, d'un document visant à "rétablir les faits". Les problèmes de BSGR auraient pour origine son refus de céder au "chantage d'Etat" d'Alpha Condé, président guinéen de 2010 à 2021, qui lui réclamait des millions pour pouvoir rester dans le pays.

Les soupçons de corruption auraient été construits de toutes pièces avec le soutien de George Soros, "un ennemi personnel de Beny Steinmetz", et des ONG financées par le milliardaire américain. En 2014, la Guinée a retiré à BSGR ses droits sur les mines considérant qu'ils avaient été obtenus illégalement. Ces droits sont aujourd'hui détenus par un consortium sino-singapouro-guinéen.

ats/al