par Nidal al-Mughrabi et Dan Williams

GAZA/JÉRUSALEM, 13 novembre (Reuters) - Des chars israéliens ont pris position lundi aux portes du plus grand hôpital de la ville de Gaza, cible prioritaire de leur offensive contre le Hamas car il abriterait selon Israël le principal centre de commandement du groupe islamiste, prenant au piège des combats les patients et soignants qui s'y trouvent encore.

Selon le porte-parole du ministère de la Santé de Gaza sous contrôle du Hamas, Achraf al Qidra, qui se trouve à l'intérieur de l'hôpital Al Chifa, 32 patients, dont trois nouveau-nés, sont morts au cours des trois derniers jours dans l'hôpital privé d'électricité et de ravitaillement.

Quelque 650 patients se trouveraient toujours à l'intérieur, attendant une hypothétique évacuation par la Croix-Rouge ou une autre organisation internationale neutre vers un établissement médical sécurisé.

"Les chars sont devant l'hôpital. Nous sommes sous blocus total", a déclaré un chirurgien, Ahmed el Mokhallalati, contacté par téléphone. "C'est une zone totalement civile ici. Il n'y a que des bâtiments hospitaliers, des patients hospitalisés, le personnel soignant et des habitants qui s'y sont réfugiés."

"Ils (les Israéliens) ont bombardé les réservoirs (d'eau), ils ont bombardé les puits, ils ont également bombardé la pompe à oxygène. Ils ont tout bombardé à l'hôpital. Nous avons donc du mal à survivre. Nous le disons à tout le monde, l'hôpital n'est plus un endroit sûr pour soigner (...) Quelqu'un doit arrêter ça", a supplié le chirurgien.

Israël assure de son côté ne pas empêcher les évacuations et ne pas tirer sur l'hôpital, et accuse le Hamas d'utiliser les civils comme boucliers humains pour protéger ses tunnels et centres de commandement militaire, ce que le groupe islamiste nie.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'est dit déterminé à anéantir le Hamas après les massacres perpétrés par ce dernier dans des zones frontalières de la bande de Gaza le 7 octobre. Selon Israël, 1.200 personnes ont été assassinées et 240 autres emmenées en otage à Gaza.

Les bombardements massifs menés en représailles à Gaza, en préparation puis en appui d'une offensive terrestre qui vise pour le moment le nord de l'enclave, ont depuis fait plus de 11.000 morts, selon les autorités locales.

101 EMPLOYÉS DE L'ONU TUÉS

Israël a demandé aux civils de partir vers le sud de la bande de Gaza et aux médecins d'évacuer leurs patients.

Le gouvernement israélien a aussi affirmé que sa proposition d'évacuer une quarantaine de bébés du service de néonatalogie de l'hôpital Al Chifa avait été rejetée par le Hamas, de même que la livraison de 300 litres de carburant destinés à faire fonctionner les groupes électrogènes alimentant les pompes à oxygène.

Interrogé à ce sujet, Achraf al Qidra a déclaré que les 300 litres permettraient d'alimenter l'hôpital pendant seulement une demi-heure et qu'Al Chifa avait besoin de 8.000 à 10.000 litres de carburant par jour pour fonctionner normalement.

Un responsable israélien, qui a requis l'anonymat, a estimé que 300 litres pourraient permettre à l'hôpital de retrouver de l'électricité pendant "plusieurs heures", seul les urgences continuant de fonctionner.

Selon le docteur El Mokhallalati, il reste dans le service de néonatalogie 36 bébés prématurés qui ont été rassemblés à huit dans un même lit pour se tenir chaud faute de couveuses individuelles en état de fonctionnement.

"Nous nous attendons à en perdre davantage de jour en jour", a-t-il dit, alors que trois bébés sont déjà morts.

Un autre grand hôpital du nord de Gaza, Al Qods, a également cessé de fonctionner. Le Croissant-Rouge palestinien a déclaré que l'établissement était au coeur d'une zone de violents combats et qu'un convoi de véhicules de la Croix-Rouge qui devait évacuer les patients et le personnel n'avait pas pu l'atteindre.

Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison blanche, Jack Sullivan, a déclaré dimanche que les Etats-Unis avaient prévenu Israël qu'ils ne voulaient pas "voir de combats dans les hôpitaux" dont des innocents seraient victimes, mais Washington n'a pas appelé jusqu'à présent à un cessez-le-feu à Gaza, préférant évoquer des "pauses humanitaires" pour acheminer l'aide.

Alors que le bilan humain ne cesse de s'alourdir, les agences de l'Onu ont observé une minute de silence lundi en mémoire de leurs 101 employés tués à Gaza depuis le début des bombardements israéliens, le bilan le plus lourd pour les travailleurs humanitaires au cours d'un même conflit depuis la création des Nations unies après Seconde Guerre mondiale. (Reportage de Nidal al-Mughrabi à Gaza, Dan Williams à Jérusalem et des bureaux de Reuters ; rédigé par Peter Graff ; version française Tangi Salaün, édité par Nicolas Delame)