(Actualisé avec communiqué)

par Rania El Gamal, Olesya Astakhova et Ahmad Ghaddar

DUBAI/MOSCOU/LONDRES, 9 avril (Reuters) - L'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés dont la Russie, désignés sous le nom d'Opep+, ont annoncé jeudi une baisse de leur production de 10 millions de barils par jour, soit 10% de l'offre mondiale, à compter du 1er mai dans l'espoir d'enrayer la chute des cours du brut provoquée par la pandémie de coronavirus.

L'organisation espère désormais que les Etats-Unis, premier producteur mondial, et d'autres pays comme le Canada, la Norvège et le Brésil réduiront à leur tour leur production pour un total de 5 millions de bpj.

Si elle se concrétise, cette diminution pourtant historique de 15 millions de bpj de l'offre mondiale ne représenterait que la moitié de la chute de la demande provoquée par la crise sanitaire en cours.

Dans un communiqué diffusé à l'issue d'une réunion de ses pays membres par visioconférence, l'Opep+ a précisé que la baisse de 10 millions de bpj de sa production serait mise en place pour une période initiale de deux mois.

L'Opep+ compte ensuite ramener la baisse de sa production à 8 millions de barils par jour (bpj) jusqu'en décembre, puis à 6 millions de bpj entre janvier 2021 et avril 2022.

Le communiqué ne mentionne pas la contribution d'autres pays producteurs à cette diminution de l'offre de pétrole sur le marché mondial.

Les Etats-Unis, premier producteur mondial grâce au boom du pétrole de schiste ces dernières années, écartent pour l'instant cette hypothèse. Le gouvernement de Donald Trump se justifie en expliquant que la chute des cours conduit déjà les compagnies américaines à diminuer leur production.

Le président américain a même menacé d'imposer des sanctions et des taxes douanières à l'Arabie saoudite si Ryad ne baissait pas suffisamment sa production.

Les engagements pris par l'Opep+ envoient un "important signal" aux grands pays producteurs qui répondront de manière ordonnée aux nouveaux défis imposés par l'épidémie de coronavirus, a toutefois indiqué jeudi soir un haut responsable de l'administration américaine, alors qu'une conférence téléphonique doit réunir vendredi les ministres de l'Energie du G20, que préside actuellement l'Arabie saoudite.

Des pays importateurs pourraient, à cette occasion, annoncer des achats de pétrole pour leurs réserves stratégiques afin d'augmenter la demande, a déclaré Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie.

LES MARCHÉS PEU CONVAINCUS

L'arrêt d'une grande partie des activités économiques en raison de l'épidémie de coronavirus a provoqué une chute drastique de la demande mondiale, de 30% ou environ 30 millions de barils par jour (bpj).

A titre d'exemple, aux Etats-Unis, l'un des pays les plus touchés par l'épidémie de COVID-19, la consommation d'essence a chuté de 48% à 5,1 millions de barils par jour durant les trois semaines au 3 avril en raison des mesures de confinement.

La chute des cours qui en résulte ampute sévèrement les budgets des Etats producteurs ainsi que ceux du secteur américain du pétrole de schiste, dont l'extraction nécessite des investissements lourds.

L'Opep+ espère qu'une réduction massive de la production permettra le redressement des cours du brut mais les premières réactions des marchés, au vu des chiffres qui ont circulé dans la journée avant l'annonce d'un accord officiel, ont illustré le scepticisme des intervenants.

Le baril de Brent, tombé le mois dernier à son plus bas niveau depuis 18 ans, a clôturé jeudi à 31,48 dollars, soit moitié moins que son prix fin 2019 et une baisse de 4,1% par rapport à la veille.

"Les baisses de production de l'Opep+ ne feront que rattraper au mieux la chute de la demande tant que n'auront pas été levées les mesures drastiques de distanciation sociale et de fermeture des économies", a commenté Roger Read, spécialiste du secteur de l'énergie à la banque Wells Fargo.

Les banques Goldman Sachs et UBS estiment que même une baisse massive de la production ne suffira pas à enrayer la dégringolade des cours et que les prix du pétrole pourraient plonger à 20 dollars le baril, voire moins.

"Au bout du compte, l'ampleur du choc de la demande est tout simplement trop importante pour une baisse coordonnée de l'offre", écrit Goldman Sachs dans une note.

La baisse de 10 millions de bpj annoncée par l'Opep+ représente pourtant déjà un effort considérable et inédit dans l'histoire du marché pétrolier.

La baisse la plus forte dans les annales remonte à la crise financière de 2008, quand l'Opep, sans la Russie, avait décidé de réduire sa production de 2,2 millions de bpj.

La prochaine réunion de l'Opep+ a été fixée au 10 juin. (version française Jean-Stéphane Brosse)