Charles Schwab 

L’établissement, dont le siège est à San Francisco, est la dixième banque américaine. Enfin, elle l’était. Elle a en effet perdu 43% de sa capitalisation boursière lors des trois dernières séances de cotation. Il faut dire que Charles Schwab n’est pas un petit joueur, et rien ne pouvait laisser prévoir une telle dégringolade pour cette banque, considérée comme l’une des plus solides des Etats-Unis. L'institution est axée sur l’investissement, la gestion de patrimoine, l’activité bancaire traditionnelle et le trading. Elle opère aussi depuis 2019 une part non négligeable de son activité dans le courtage, suite à l’acquisition de TD Ameritrade pour 26 Mds$. 

Lorsque l’on regarde le compte de résultat de Charles Schwab sur la dernière décennie, une chose saute aux yeux : la banque apparaît comme une véritable valeur de croissance, fait plutôt rare pour un établissement financier. En 10 ans, les revenus ont presque quadruplé et la capitalisation a été multipliée par trois. Les marges sont solides et croissantes : la marge nette est ainsi passée de 18,6% en 2013 à 32% l’an dernier. Côté flux de trésorerie, la société génère suffisamment de cash pour pouvoir augmenter son dividende d’année en année. 

Côté bilan, on peut toutefois signaler un essoufflement de la trésorerie, qui est passée de 50,5 Mds$ en 2020 à 2,3 Mds$ l’an dernier. L’acquisition de 2019 a été financée par trésorerie et par des lignes d’equity. Le nombre d’actions a fortement augmenté. Mais rien ici d’alarmant, la dette est pour l’instant très bien maîtrisée. 

Les dépôts des clients s’élèvent à 366,7 Mds$ et sont assurés à 80%. Cela signifie qu’ils sont dans les limites d’assurance de la FDIC (l'organisme qui gère les garanties). Ce ratio figure parmi les 5 plus élevés des 100 plus grandes banques américaines. 

Charles Schwab a vu ses actifs augmenter de 41,7 Mds$ en février. Les sorties de fonds moyennes quotidiennes suivent le même rythme qu’avant. Compte tenu de ces éléments, la banque a déclaré qu’elle ne craignait pas de subir un Bank Run, situation où tous les clients se pressent sur les dépôts, fatale pour SVB. 

A court terme, seuls les coûts de financement apparaissent comme un risque sur les résultats de l’entreprise. Difficile donc de justifier la dégringolade de Charles Schwab par ce seul élément. 

First Horizon Corporation 

Basée dans le Tennessee, First Horizon Corporation fait face à une situation plutôt spéciale. Remontons un an en arrière. En février 2022, le Groupe canadien Banque TD annonce l’acquisition de First Horizon Corporation pour 13,4 Mds$, soit 25$ par action. Début mars cette année, l’accord est retardé dans l’attente des approbations réglementaires nécessaires, le découragement des investisseurs et la crainte d’un veto des régulateurs fait perdre 15% au titre début mars. 

Puis l’ombre de SVB est venue planer sur le cours de bourse de la société, qui a de nouveau cédé 22% dans la panique. L’établissement cote aujourd’hui à 15,7 $ par action, bien en dessous des 25$. Pourtant à l’heure actuelle, la société n’a que peu de choses à se reprocher. Les marges sont bonnes, quoique assez irrégulières dans le temps, et la banque a triplé de taille en 10 ans. On peut aussi estimer que les experts canadiens de la TD Bank ont mené des dues diligences très poussées quant aux risques pesant sur les actifs détenus par First Horizon Bank. 

Quoi qu’il en soit, cette banque est modeste par la taille. Et dans le tsunami actuel qui emporte les établissements de crédit, elle est une cible de premier rang. En revanche, au prix actuel, il ne serait pas étonnant de voir les acquéreurs canadiens demander un délai supplémentaire pour renégocier le prix d’achat à la baisse. Car, si le prix de 25$ par action est maintenu, la prime sur le cours actuel dépasserait 35%. 

First Citizens Bancshares 

Cette banque centralise la majorité de ses dépôts sur ses terres d’origine, en Caroline du Nord et du Sud. Ses activités tournent autour de la gestion de portefeuille et des services bancaires traditionnels, avec notamment un portefeuille de crédits de 70,8 Mds$ à fin 2022, réparti à 75% pour les professionnels et 25% pour les particuliers, et bien couvert par les provisions que comptabilise la banque. Les dépôts s’élèvent à 89,4 Mds$. La société a récemment fusionné avec CIT, créant l’une des 20 premières institutions américaines avec plus de 100 Mds$ d’actifs. La capitalisation a fondu d’un tiers depuis mi-janvier. 

La chute de cette banque régionale semble ainsi être un pur effet domino de la faillite de SVB. Rappelons qu’en 2018, l’ancien président Trump et sa bande d'acolytes avaient exempté les banques régionales des règles prudentielles strictes décidées après la crise de 2008. Ces banques, plus fragiles que les mastodontes que sont JPMorgan, Morgan Stanley, Wells Fargo ou encore Citigroup, font face à une pression, notamment liée à la confiance des investisseurs qui craignent une contagion à des acteurs suivant le modèle de SVB et de Signature Bank. 

La pagaille ne se limite pas à ces trois banques. D’autres ont vu leur cours basculer jusqu'à des profondeurs jusqu’ici inexplorées. Citons par exemple les baisses de Zions Bancorporation (-48%), Keycorp (-40%), Comerica Incorporated (-40%) et First Republic Bank (-80%). La FED, la FDIC et le Trésor ont pourtant réagi assez vite par des mesures de soutien au système bancaire, laissant imaginer qu’une contagion 2008 Bis était moins probable. Pour autant, ces mesures vont-elles suffire ou allons-nous voir d’autres établissements flancher dans les prochains jours ? La panique des marchés, notamment en Europe hier, nous indique que pour l’instant personne n’a la réponse. 

Un décrochage impressionnant