Le ralentissement de la deuxième puissance économique de la planète, les turbulences sur ses places financières et la dévaluation du yuan il y a près de deux semaines continuent de perturber les marchés à travers le monde.

"Les marchés paniquent. Les choses commencent à ressembler à la crise financière asiatique de la fin des années 1990. Des spéculateurs se débarrassent des actifs qui semblent les plus vulnérables", avance Takako Masai, directeur de recherches à la Shinsei Bank de Tokyo.

Shanghai, qui a dévissé de plus de 11% la semaine dernière, a entamé la dernière semaine d'août sur un nouveau dérapage incontrôlable. Après avoir ouvert en recul de 3,8%, l'indice CSI300 a creusé ses pertes et après quatre heures de cotation, vers 04h30 GMT, cédait 8,56%. L'indice composite SCI s'effondre lui aussi. En baisse de 5% à l'ouverture, il perdait 8,45% quatre heures plus tard.

De nombreux acteurs des marchés espéraient que la Banque populaire de Chine (BPC) interviendrait au cours du week-end en réduisant les sommes que les banques sont tenues de garder en réserve. Une initiative de ce type aurait pu soutenir les marchés d'actions en augmentant les liquidités et constituer une réponse à la faiblesse de l'industrie manufacturière chinoise.

Rien de tel ne s'est produit, hormis l'annonce formalisant la possibilité pour les fonds de pension d'acheter des actions, une disposition déjà présente.

"L'aversion au risque qui s'intensifie renforce l'inquiétude sur la croissance chinoise", écrivent les économistes d'ING dans une note de recherche.

"Il n'y a aucune bonne nouvelle, les actions sont encore chères et il n'y a pas d'argent frais qui arrive", explique Qi Yifeng, analyste chez CEBM.

A Tokyo, première place majeure à ouvrir en Asie, la Bourse a ouvert en baisse de 1,86% et le mouvement s'est accentué. A l'approche de la clôture, le Nikkei enregistrait des pertes de 3,70%, repassant sous la barre des 19.000 points à 18.705,43 points, en recul de 730,40 points. Le Topix, plus large, a cédé encore plus de terrain, reculant de 4,61% à 1.500,39 points.

La tendance est identique à Hong Kong, où l'indice Hang Seng perd 4,64%, et à Taipeh, où le principal indice taiwanais, le TAIEX, perd 4,24% après avoir sombré de plus de 6% dans la matinée.

L'indice régional MSCI des actions des marchés d'Asie-Pacifique hors Japon recule de 4,6%, au plus bas depuis quatre ans.

"La Chine pourrait être contrainte de dévaluer encore le yuan si son économie fléchit, et les marchés actions doivent gérer la perspective d'un yuan plus faible amplifiant l'impact négatif d'une économie chinoise léthargique", commente Eiji Kinouchi, analyste chez Daiwa Securities à Tokyo.

CONTAGION

La peur d'une contagion à l'échelle mondiale du ralentissement de la deuxième puissance économique de la planète avait déjà fait vivre vendredi à Wall Street sa pire séance depuis près de quatre ans, les trois indices de référence perdant plus de 3%.

La déprime touche aussi les matières premières. Le cuivre, considéré comme un baromètre de la demande mondiale, a atteint lundi son cours le plus bas depuis six ans et demi.

Publié vendredi, l'indice PMI Caixin/Markit a révélé que le secteur manufacturier chinois s'était contracté en août à un rythme jamais vu depuis près de six ans et demi sur fond de baisse des commandes intérieures et à l'exportation.

Cette semaine encore, les investisseurs vont surveiller de près la Chine dans l'attente de mesures de stimulation de la part de Pékin afin de freiner le ralentissement.

Mais d'autres facteurs pèsent sur les marchés financiers.

"Au premier abord, il serait aisé de désigner du doigt le ralentissement de la croissance de la Chine, la chute des prix du pétrole et la guerre des devises sur les marchés émergents comme les raisons du vif recul mondial des marchés actions cet été", écrit Sean Darby, chef stratégiste de Jeffries pour les marchés d'action, dans une note.

"Cependant, un mélange de forces désinflationnistes et déflationnistes, un resserrement des conditions monétaires mondiales et une détérioration des bénéfices sur les marchés émergents sont des facteurs encore plus puissants", ajoute-t-il.

(avec Shinichi Saoshiro à Tokyo et David Randall à New York; Patrick Vignal et Henri-Pierre André pour le service français)

par Pete Sweeney et Samuel Chen

Valeurs citées dans l'article : Hang Seng, Nikkei 225, COMPOSITE