Nous avons vu dans la première partie de ce développement que les valeurs qui ont offert les plus fortes hausses entre le point haut pré-crise financière pour la France, le 1er juin 2007 et le 10 octobre 2018, font partie de la poche consommation discrétionnaire avec 67% de progression globale, devant la consommation de base (+57%) et les défensives (+1%). Les cycliques (-29% ferment la marche). Le STOXX Europe 600 (SXXP) a perdu -9% sur la période (mais il a progressé de 25,7% dividendes réinvestis, SXXR). Ce découpage fait donc la part belle aux valeurs affichant un gros effet de levier en période d'expansion (la consommation discrétionnaire) et à celles qui sont en théorie modérément corrélées aux cycles économiques sans y être totalement insensibles (la consommation de base). Dans la réalité, le palmarès par sociétés révèle quelques surprises et montre qu'au sein d'une même poche, les performances peuvent être extrêmement disparates. L'objectif de ce décryptage est de comprendre les mouvements sous-jacents en affinant la lecture initiale. Pour les besoins de la démonstration, le code couleur initial a été conservé : du vert pour les cycliques, du rouge pour les défensives, du bleu pour la consommation de base et de l'orange pour la consommation discrétionnaire.
 

Rappel de la performance brute des indices sur quatre périodes (au 10 octobre)
 
 
Idée reçue numéro 1 : les cycliques ont largement sous-performé.
  • Globalement, c'est l'impression générale, mais la contreperformance est à mettre au passif d'un seul secteur, les financières (et dans une mesure nettement moindre les équipementiers télécoms, soit Ericsson et Nokia).
  • 28 des 50 plus fortes baisses des quatre indices réunis sont des financières, dont 8 des 10 premières. Quatre autres secteurs ont aussi largement sousperformé mais sans tomber en territoire négatif : les foncières commerciales, les services à l'emploi, les conglomérats industriels et l'acier.
  • La meilleure performance globale des cycliques est à chercher du côté des technologiques (hors équipementiers télécoms, donc) : aussi bien les SSII que les semiconducteurs ou les logiciels. Le secteur ne compte d'ailleurs aucune baisse sur 22 représentants.
  • Taux de baisse : 21% (66 sur 309)
Conclusion : La crise des subprimes a laminé la plupart des grandes banques européennes, hormis quelques acteurs scandinaves, ce qui a masqué une bonne performance de la majorité des autres cycliques.
 
Idée reçue numéro 2 : les défensives, ça ne sert pas à grand-chose.
  • Là encore, nous avons constaté des profondes disparités parmi les sous-secteurs depuis juin 2007. Clairement, si vous aviez placé votre capital sur les télécoms et les utilités, jouer la défense était un piètre calcul. On retrouve 6 dossiers défensifs parmi les 30 pires performances : 2 Télécoms (KPN et Telecom Italia), 4 Utilités (RWE, E.ON, EDF et Veolia).
  • On retrouve, et c'est plus étrange, 8 défensives parmi les 20 plus fortes hausses toutes poches confondues depuis juin 2007. Vous l'aviez peut-être pressenti, 7 d'entre elles sont liées à la Santé. Plus précisément, il s'agit essentiellement de laboratoires de croissance ou d'entreprises officiant dans le matériel médical.
  • Nous avions précisé dans la première partie de cette étude que la sélection de valeurs défensives opérée par le STOXX comprenait une minorité de valeurs issues de l'assurance. Si vous vouliez absolument des financières en portefeuille, c'est vers elles qu'il fallait se tourner puisque cette sous-poche a largement surperformé le marché. Elle est composée de réassureurs (Hannover Re, Scor…) et d'acteurs fortement spécialisés et de courtiers (Beazley, Hiscox, Jardine Lloyd…).
  • Taux de baisse : 10% (11 sur 114)
Conclusion : Une bonne compréhension des grands enjeux sectoriels est nécessaire. La profonde crise de la production d'énergie a lourdement pesé sur les vertus défensives des valeurs composant l'indice. En revanche, la Santé a profité d'un nouvel élan pour jouer les premiers rôles.
 
Idée reçue numéro 3 : la consommation de base affiche une performance homogène.
  • C'est presque vrai, hormis pour la Grande Distribution. On ne compte que 3 dossiers du secteur parmi les 80 plus fortes baisses européennes, mais il s'agit de Carrefour, Tesco et Sainsbury. Mais ce n'est pas une science exacte : Jeronimo Martins, ICA Gruppen et même Ahold Delhaize ont surperformé le marché sur la période. 
  • Il n'y a aucune valeur du secteur parmi les 37 plus fortes hausses de la période concernée. AAK et Royal Unibrew sont les deux premiers dossiers à apparaître aux 38ème et 39ème rang.
  • Taux de baisse : 10% (4 sur 41).
Conclusion : Là encore, la mue profonde subie par un secteur a eu d'importantes répercussions. Les distributeurs traditionnels, confrontés à la digitalisation et à une concurrence accrue, ont désormais tous réagi. Mais certains l'ont fait plus tard que d'autres et en ont subi les conséquences.
 
Idée reçue numéro 4 : Toute la consommation discrétionnaire a bénéficié de la longue période haussière des marchés
  • Sur les 30 fortes baisses constatées sur le marché de juin 2007 à octobre 2010, une seule est issue du secteur des biens de consommation discrétionnaire : Peugeot. La plupart des baisses du secteur sont d'ailleurs liées à l'automobile ou au BTP britannique.
  • Parmi les grosses capitalisations, on retrouve aux avant-postes des dossiers qui ne surprendront pas, LVMH et Kering notamment.
  • Taux de baisse : 11% (9 sur 83).
Conclusion : La consommation discrétionnaire a connu une période très favorable sur la séquence 2007-2018, en particulier dans le luxe mais plus largement dans les loisirs ou la distribution spécialisée. Dans l'automobile, les performances sont très disparates et tournent à l'avantage des équipementiers sur les constructeurs.
 
Pour illustrer ces mouvements, observons le comportement des valeurs françaises présentes dans l'indice Stoxx Europe 600 sur la période à travers deux "portefeuilles" dividendes réinvestis. Le premier intègre les 20 meilleures performances. Cette sélection idéale aurait permis de dégager une hausse de près de 334% alors que l'indice dividendes réinvestis n'a progressé que de 26% dans le même temps. Le plus gros contingent est issu de la santé (5 valeurs), devant les technologiques (3 valeurs), l'habillement (3 valeurs liées au luxe) et l'aéronautique (3 valeurs). Le code couleur est inchangé : en vert les cycliques, en rouge les défensives, en orange la consommation discrétionnaire et en bleu la consommation de base. 
 
 
Le portefeuille star des françaises du SXXP qui ont traversé la crise des subprimes (performance dividendes réinvestis du 01/06/2007 au 10/10/2008)
 
Le même exercice appliqué au pire portefeuille possible donne une sélection plus disparate, si l'on excepte le secteur bancaire (4 représentants) et les utilités (3 représentants). Ces 20 valeurs ont perdu -33% face aux +26% du Stoxx Europe 600 dividendes réinvestis.
 

Le portefeuille des françaises du SXXP qui ont le plus souffert de la crise des subprimes (performance dividendes réinvestis du 01/06/2007 au 10/10/2008)
 
Pour terminer, il apparaît donc que chaque catégorie de valeurs a ses spécificités, mais que toutes sont susceptibles de générer des performances élevées sur le long terme. En revanche, il convient de bien identifier les secteurs qui sont en profonde mutation ou qui sont surexposés à certains événements macroéconomiques majeurs, qui peuvent être sources de sousperformances importantes. C'est le cas des banques à partir de l'été 2007 ou du secteur de l'énergie sur la dernière décennie : aucun des deux ne s'en est encore remis. L'investisseur de long terme a toujours été récompensé, mais il doit aussi savoir éviter les gros pièges sectoriels. 

NB : Les données ont été compilées par nos soins. N'hésitez pas à signaler toute erreur ou omission.