PARIS/MILAN (Reuters) - Stellantis, né du mariage entre PSA et FCA, veut utiliser la nouvelle dimension ainsi gagnée pour prendre de vitesse ses concurrents en matière d'électrification des véhicules, même s'il lui faudra aussi digérer maintenant la méga-fusion qui lui a donné naissance mi-janvier.

Comme l'ensemble des constructeurs automobiles, le nouveau groupe est confronté à une pénurie de semi-conducteurs qui tombe au plus mal après une année 2020 plombée par l'épidémie de coronavirus et alors que des investissements massifs sont requis dans les véhicules hybrides et électriques pour suivre le durcissement des normes d'émission.

Le constructeur franco-italo-américain a prévenu mercredi, à l'occasion de la publication des derniers résultats indépendants de PSA et de FCA et des premiers résultats combinés entre les deux groupes, que ces dépenses pourraient peser sur 2021.

En revanche, des stocks de voitures au plus bas à travers le monde et la recette de Carlos Tavares pour réduire les coûts appliquée au nouvel ensemble devraient permettre d'en améliorer les marges dès cette année.

"Ce n'est pas une fusion de crise", a dit le directeur général de Stellantis, jusqu'ici président du directoire de PSA dont il a piloté pendant sept ans le redressement, au cours d'une téléconférence avec les analystes.

"C'est une fusion qui va ouvrir de nouvelles opportunités pour une entreprise qui est saine, avec des gens talentueux (...) qui ne veulent pas être cantonnés à une position historique ou de dinosaure."

Fort de résultats supérieurs aux attentes, bien qu'impactés par le coronavirus, Stellantis a annoncé viser une marge opérationnelle courante comprise entre 5,5% à 7,5% cette année.

En 2020, la marge proforma de Stellantis est ressortie à 5,3%, dont 7,1% pour l'ex-PSA (en retirant la contribution liée à la participation au capital de Faurecia) et 4,3% pour l'ex-FCA.

L'ex-PSA a cependant vu sa marge opérationnelle retomber l'an dernier de ses records de 2019 à cause du coronavirus, mais la politique d'économie drastique engagée par Carlos Tavares a encore permis à la division automobile de l'ex-constructeur français d'afficher au second semestre une marge opérationnelle courante de 9,4%.

Selon Stellantis, il s'agit d'un plus haut historique pour le secteur.

Les objectifs définis pour 2021 partent du principe qu'il n'y aura plus de mesures de confinement notables. Stellantis a annoncé en outre, comme prévu dans l'accord de fusion, le versement d'un dividende d'un milliard d'euros.

LE PRIX DE L'OFFENSIVE ELECTRIQUE

Le nouveau groupe, qui ne détaillera pas sa stratégie avant fin 2021 ou début 2022 pour que les équipes des deux constructeurs fusionnés restent concentrées sur leurs objectifs de l'année, est devenu le numéro quatre mondial avec pas moins de 14 marques de véhicules. Sur la base des chiffres 2020 publiés, il pèse plus de 134 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Stellantis a promis de dégager à moyen terme plus de cinq milliards d'euros de synergies sans fermeture d'usine et assuré que le rapprochement franco-italo-américain n'entraînerait pas de suppressions d'emplois. Mais Carlos Tavares aura fort à faire pour ménager les susceptibilités et faire converger les intérêts, notamment entre la France et l'Italie.

Il lui faudra aussi composer avec les arrêts de production liés à la pénurie de semi-conducteurs, qui risque d'affecter l'ensemble du secteur au moins jusqu'à l'été. Carlos Tavares a prévenu qu'il n'était pas certain que la crise soit résolue au second semestre, comme l'espèrent actuellement la majorité des constructeurs.

La fusion entre PSA et FCA doit permettre de réduire la complexité, de mutualiser les investissements et d'exploiter la complémentarité géographique entre PSA et FCA, notamment l'environnement actuellement favorable en termes de prix aux Etats-Unis où le nouveau groupe va lancer trois nouveaux modèles Jeep à forte marge.

La méthode de Carlos Tavares - priorité aux modèles les plus rentables et chasse aux coûts impitoyable - a permis d'améliorer de 2,2 milliards d'euros le résultat opérationnel courant de la division automobile de l'ex-PSA en 2020 (hausse du mix produit, économies sur la production, les achats, les frais généraux et la R&D).

Cela a permis de compenser l'environnement défavorable de l'an dernier (chute de la demande et effets de changes négatifs), mais sans l'annuler totalement puisqu'il a amputé le résultat opérationnel de 3,9 milliards d'euros.

L'ex-PSA est parvenu cependant à dégager un résultat net, part du groupe, de 2,2 milliards d'euros, alors que son compatriote Renault, qui entend prendre exemple sur lui pour son propre redressement, a accusé une perte record de huit milliards d'euros.

(Giulio Piovaccari, Gilles Guillaume et Nick Carey, avec la contribution de Sarah White, Nicolas Delame et Giancarlo Navach, édité par Jean-Michel Bélot et Bertrand Boucey)

par Gilles Guillaume, Giulio Piovaccari et Nick Carey