Ruper Steiner,

Barron's

LONDRES (Agefi-Dow Jones)--Numéro deux mondial de la restauration collective, le traiteur français Sodexo assure ses services en entreprise, dans les écoles, les salons d'aéroport, ou encore les événements sportifs. Une activité frappée durement par la crise du coronavirus, celle-ci contraignant les consommateurs et clients à prendre leurs repas à domicile.

La restauration subit de plein fouet les effets du confinement, davantage que la plupart des autres métiers. Les services de cantine dans les locaux de collectivités représentent 60 à 80% de l'ensemble des revenus des groupes du secteur, notait Rabobank dans une étude en mars. Or cette consommation est devenue provisoirement interdite dans la plupart des pays européens.

La levée des restrictions de mobilité qui se profile n'augure pas nécessairement d'un second semestre très appétissant pour Sodexo, qui était aux prises avec des problèmes touchant son modèle économique bien avant la pandémie.

L'entreprise, qui fournit ses services de restauration lors d'événements aussi emblématiques que la prestigieuse course hippique Royal Ascot en Angleterre et le Super Bowl aux Etats-Unis, a vu son cours de Bourse monter jusqu'à un sommet de 120,45 euros en 2017.

Mais en 2018, l'entreprise a dû émettre un avertissement sur les bénéfices, à cause de la faiblesse de ses divisions Santé et Education en Amérique du Nord, et de quelques grands contrats peu performants. Le groupe s'est trop dispersé, se diversifiant dans des domaines éloignés de son cœur de métier, tels que le nettoyage, la sécurité, l'entretien des ascenseurs, et même les massages en entreprise. En trois ans, l'action Sodexo a chuté 41,5%, à 67,5 euros.

Cette chute n'est probablement pas finie. Société Générale prévoit une baisse de 15,5% supplémentaire, visant un objectif de cours de 57 euros. Andrew Brooke, analyste chez RBC Capital Markets, affiche pour sa part une opinion "sous-performance" sur le titre, avec un cours cible de 60 euros.

"Sodexo était confronté à de nombreux problèmes avant l'irruption du Covid-19, occupé à se restructurer tout en ayant besoin d'investir", écrivait l'analyste dans une note en avril. Selon lui, "l'impact du Covid-19 sur le groupe sera significatif et décalera probablement son redressement". L'activité de la société a été durement touchée, sa valorisation n'a rien d'attrayant, et "nous ne sommes pas fans de sa stratégie défocalisée", assène Andrew Brooke.

Recentrage sur la restauration

Depuis son arrivée aux commandes en janvier 2018, le nouveau directeur général, Denis Machuel, a effectué un important travail de recentrage sur la restauration, le métier historique du groupe. Le mois dernier, Sodexo a enregistré une hausse de 5,9 % de son résultat d'exploitation sous-jacent à 685 millions d'euros au premier semestre, clos fin février, pour un chiffre d'affaires de 11,7 milliards d'euros.

"Notre programme stratégique fonctionne et a commencé à produire des résultats. Le premier semestre a été meilleur que ce que nous attendions, avec de nombreux signes positifs dans la plupart des segments indiquant que la dynamique sous-jacente s'améliore", a déclaré Denis Machuel dans un entretien accordé à Barron's.

"Je suis extrêmement fier des efforts et de l'engagement exemplaires de nos équipes pendant cette crise [du coronavirus], et je suis convaincu que l'amélioration de la dynamique au cours de ce premier semestre nous aidera à en sortir plus forts qu'auparavant", a également déclaré le dirigeant.

Sodexo se négocie en Bourse à 18,9 fois le bénéfice par action escompté cette année et affiche une décote de valorisation de 20% sur ses pairs. La société fait partie de l'indice CAC 40 des plus importantes valeurs françaises et sa capitalisation boursière s'élève à 10,1 milliards d'euros.

Elle emploie aujourd'hui 470.000 salariés et sert chaque jour 100 millions de consommateurs dans 67 pays. Sodexo est le plus grand employeur privé français dans le monde.

L'entreprise est solide mais a des défis à relever. Après avoir souffert d'une dépendance excessive à l'égard de quelques très gros clients, Sodexo essaie maintenant de se développer auprès de clients plus nombreux et plus petits. Et le groupe a bien compris désormais que sa précédente stratégie de diversification hors de la restauration s'est avérée contreproductive, gênant la réalisation de nouvelles économies d'échelle.

Pour autant, malgré tous les efforts de Denis Machuel pour se concentrer sur le retour à une forte croissance, l'entreprise, de même que son concurrent de plus grande taille Compass, pourrait ne jamais revenir aux niveaux d'avant-crise. Les gens s'habituent à travailler à domicile, réduisant la demande pour les services de cantine et de restauration.

-Rupert Steiner, Barron's

(Version française François Berthon) ed: ECH

Barron's est l'hebdomadaire de référence financier et patrimonial du groupe Dow Jones.

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