(Actualisé tout du long avec précisions et déclarations supplémentaires, communiqué commun des gouvernements français et néerlandais)

PARIS, 6 avril (Reuters) - L'Etat français va apporter une nouvelle aide pouvant aller jusqu'à quatre milliards d'euros à Air France face à la crise du coronavirus, en contrepartie de l'abandon de 18 créneaux horaires d'atterrissage et de décollage à Orly, ont annoncé mardi Air France-KLM, le gouvernement français et la Commission européenne, qui a donné son accord.

Cette recapitalisation prévoit la conversion du prêt d'État de trois milliards d'euros déjà accordé par la France l'an dernier en un instrument de capital hybride et une augmentation de capital pouvant aller jusqu'à un milliard d'euros.

L'Etat français va ainsi devenir le premier actionnaire du groupe Air France-KLM avec un peu moins de 30% du capital.

Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, a souligné sur France Inter que "tout a été fait évidemment en étroite concertation avec le gouvernement néerlandais de Mark Rutte", alors que l'Etat néerlandais va voir sa participation dans Air France-KLM diluée.

Dans un communiqué commun, les gouvernements français et néerlandais ont fait part de leur soutien à cette première étape de recapitalisation d'Air France-KLM, le gouvernement de Mark Rutte précisant qu'il continuait d'analyser les conditions d'une opération comparable pour KLM, la branche néerlandaise du groupe.

Côté français, le prêt d'Etat de trois milliards d'euros sur quatre ans déjà accordé à Air France va être "transformé en participation de l'Etat, en fonds propres de l'Etat dans l'entreprise", a expliqué Bruno Le Maire.

"C'était une aide provisoire (mais) ces trois milliards vont devenir une aide définitive", a-t-il résumé.

Le titre Air France-KLM, qui avait pris plus de 2% dans les premiers échanges à la Bourse de Paris, s'est ensuite retourné à la baisse et reculait de près de 2% en début de matinée.

LA RÉCUPÉRATION DES 18 CRÉNEAUX SOUS SURVEILLANCE

En contrepartie de ce nouveau soutien public visant à l'aider face aux difficultés financières découlant de la pandémie de COVID-19 - qui a quasiment paralysé le trafic aérien pendant des mois - Air France devra mettre à disposition de compagnies concurrentes 18 créneaux horaires par jour à l'aéroport de Paris Orly.

Alors que Bruxelles souhaitait initialement que la compagnie libère 24 créneaux horaires quotidiens de décollage et atterrissage, Bruno Le Maire s'est montré satisfait de l'issue de la négociation, avec un "chiffre raisonnable et proportionné" équivalent à 4% des créneaux.

"C'est un bon accord pour Air France", a-t-il estimé.

La France a également obtenu de la Commission européenne "la garantie qu'aucune compagnie aérienne low-cost qui fait du dumping social ou qui fait du dumping fiscal ne puisse récupérer ces créneaux horaires", a assuré Bruno Le Maire, faisant référence sans les citer aux compagnies britannique easyJet et irlandaise Ryanair.

Les compagnies qui pourront récupérer ces créneaux devront "respect(er) rigoureusement les règles sociales et fiscales de l'Etat français", afin de ne pas avoir une "concurrence injuste (...) qui pourrait fragiliser Air France".

Pour autant, la compagnie devra elle aussi se soumettre à certaines contraintes, notamment pour améliorer sa compétitivité.

"Ce n'est pas un chèque en blanc. L'Etat n'apporte pas un soutien financier aussi important sans demander des contreparties à Air France", a dit Bruno Le Maire en soulignant qu'il y aura "forcément des efforts qui seront nécessaires" en complément des restructurations déjà consenties.

Le ministre français a aussi prévenu qu'il serait "très vigilant" sur le respect par Air France des engagements de réduire de 50% ses émissions de CO2 par passager et par kilomètre d'ici 2030. "Cet objectif n'est pas négociable".

CONTRAINTES FINANCIÈRES

Au-delà des cessions de créneaux visant à limiter les distorsions de concurrence en faveur d'Air France, le feu vert de Bruxelles à ce nouveau soutien public "sera assorti de conditions, visant notamment à assurer une rémunération suffisante à l'État français", précise Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la politique de concurrence, dans un communiqué.

Air France-KLM ne pourra pas verser de dividende ni effectuer de rachats d'actions tant que cette recapitalisation ne sera pas intégralement remboursée, a souligné la Commission.

Un encadrement de la rémunération des dirigeants, assorti d'une interdiction des bonus, devra également être appliqué tant qu'au moins 75% de la recapitalisation ne seront pas remboursés.

"Ces conditions visent également à inciter Air France, sa société holding et ses propriétaires à racheter la participation de l'Etat obtenue à la suite de la recapitalisation dès que la situation économique le permettra", dit la Commission.

La France et les Pays-Bas ont déjà apporté une aide de plus de 10 milliards d'euros à Air France-KLM l'an dernier, dont 7 milliards venant de Paris. (Myriam Rivet, édité par Bertrand Boucey)