Malgré un chiffre d'affaires record en 2023, il signale que tous ses marchés sont en repli, et qu'il diminuera de moitié son programme d'investissements initialement prévu l'an prochain. Rien de surprenant ici, puisqu'à l'exception de Nvidia cette conjoncture n'épargne presque aucun acteur du secteur des semi-conducteurs. 

L'essoufflement se traduit par des stocks qui enflent de 17% face à des créances clients qui elles diminuent d'autant. S'il anticipe encore deux ou trois trimestres de contraction, le management reste néanmoins plus optimiste que le consensus des analystes sur les débouchés dans le secteur automobile. 

Analog conclut en 2023 un cycle décennal exceptionnel. Son chiffre d'affaires a quintuplé depuis 2013, de €2.6 milliards à $12.3 milliards cette année. Le profit cash — ou "free cash-flow" — annuel a pour sa part quadruplé sur la période. Cependant, sa rentabilité demeure très en-deca d'un comparable direct comme Texas Instruments, ou encore de celle de l'équipementier Applied Materials. 

Le groupe a généré un profit cash de $3.5 milliards sur l'exercice qui s'achève, même avec des exigences du besoin en fonds de roulement qui ne traduisaient pas encore de signes de ralentissement de l'activité. Il retourne $3 milliards à ses actionnaires via des rachats de titres, et $1.7 milliards via des dividendes.

Il est notable que, sur le cycle complet, Analog ait retourné davantage de capital à ses actionnaires qu'il n'a généré de profits. Ceci, en complément de l'acquisition de Linear Technology en 2017, a naturellement entrainé une hausse de l'endettement. 

En dépit d'un parcours boursier sensationnel, on s'inquiète d'observer comme le management a entrepris d'accélérer sur les rachats d'actions depuis 2020 : $8.5 milliards y ont été consacrés sur les trois dernières années, alors que les profits cash cumulés sur la période atteignent $7.5 milliards, et qu'il y eut en sus $4.3 milliards distribués en dividendes. 

Surtout, ces rachats de titres ont été réalisés à des niveaux de valorisation a priori élevés, c'est-à-dire entre x25 et x35 le profit d'exploitation, alors que la moyenne historique de valorisation du groupe — plus raisonnable — se situe plutôt aux alentours de x15 son profit d'exploitation. 

A l'issue d'un cycle de croissance très réussi, le risque de destruction de valeur semble ici impossible à ignorer.