Zurich (awp) - Si contre toute attente l'hiver 2022/23 s'est déroulé sans trop de dégâts pour l'approvisionnement énergétique en Suisse, une nouvelle crise menace déjà. L'hiver prochain, l'électricité pourrait à nouveau se faire rare, avertit Robert Itschner, directeur général du producteur d'électricité BKW.

"Une situation difficile pourrait tout à fait se présenter", poursuit M. Itschner dans une interview à l'agence AWP. Ce n'est pas exclu "si le prochain hiver se révèle très froid ou si certaines centrales importantes en Europe tombent en panne", a déclaré le nouveau patron du groupe bernois.

La Suisse a certainement eu de la "chance" l'hiver dernier, "parce qu'il a fait relativement chaud et que nous avons consommé moins d'énergie", a ajouté M. Itschner. Reste que l'hiver passé s'est révélé très sec et la sécheresse de l'été pourrait ne pas rester sans influence sur la prochaine saison hivernale. "Au sud des Alpes, la production d'électricité d'origine hydraulique est actuellement au plus bas".

La situation s'est également quelque peu détendue pour l'approvisionnement en gaz. Le Vieux continent a apparemment pu exploiter de nouvelles sources de gaz dans une certaine mesure. "Cela coûte certes plus cher, mais cela garantit l'accès au gaz", a-t-il observé.

En revanche, le patron des ex-Forces motrices bernoises se veut moins confiant à l'évocation de la disponibilité de l'énergie nucléaire venant de France. "Le problème de fond n'a pas été résolu, les travaux nécessaires de maintenance et de rénovation ayant simplement été reportés".

Dans ce contexte, M. Itschner plaide en faveur de la poursuite des mesures décidées: soit la constitution d'une réserve hydroélectrique, la mise en commun des groupes électrogènes de secours, ainsi que la centrale de secours de Birr. "Beaucoup de choses ont été organisées en Suisse en peu de temps, mais nous n'avons heureusement pas encore dû avoir recours à ces mesures".

Clap de fin pour le nucléaire

M. Itschner se montre en outre sceptique face aux demandes de construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse. Il doute que "la population en Suisse veuille vraiment de nouvelles centrales nucléaires". "Alors que des projets nettement plus petits sont retardés par des oppositions - par exemple des éoliennes avec quelques mâts - j'ai du mal à m'imaginer comment nous pourrions obtenir un consensus pour de nouvelles centrales nucléaires", explique le dirigeant.

Dans le sillage de la crise et de la pénurie d'électricité, la question du nucléaire s'est invitée à la table des propositions. Le nouveau ministre de l'énergie Albert Rösti s'y était montré ouvert. BKW a pour sa part tiré la prise de l'énergie atomique en Suisse, en fermant définitivement sa centrale nucléaire de Mühleberg. Mais le groupe dispose toujours d'énergie nucléaire dans son portefeuille avec sa participation dans la centrale de Leibstadt et des parts détenues dans des installations françaises.

Le groupe bernois n'est pas foncièrement opposée au nucléaire, affirme M. Itschner. "Mais pour l'heure cette technologie est interdite en Suisse - C'est comme ça". En 2017, le souverain a en effet approuvé à une solide majorité de 58% la loi sur l'énergie, laquelle autorise certes encore l'exploitation des centrales nucléaires existantes, pour autant que leur sécurité soit garantie. Mais le texte interdit la construction de nouvelles installations.

"Je suis d'accord avec le conseiller fédéral Rösti: dans les années à venir, nous ne devons pas mener de discussions de fond sur les technologies, mais simplement mettre en œuvre des plans et réaliser des projets dont on parle depuis longtemps", note M. Itschner. Le fournisseur d'électricité bernois entend donc se concentrer sur le développement des énergies renouvelables - hydraulique, solaire et éolienne.

En même temps, son patron se réjouit de la dynamique politique que la crise a suscitée. Le décret manteau, actuellement en discussion au Parlement, en est un exemple. Il s'agit d'un développement rapide et simplifié de la production indigène d'électricité à partir d'énergies renouvelables. "Il est absolument essentiel que la loi modifiée soit adoptée et mis en œuvre".

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