Washington (awp/afp) - Les Etats-Unis, quasiment isolés, étaient sous une immense pression mardi pour se rallier à l'interdiction de vol décrétée contre le Boeing 737 MAX par de nombreux pays et compagnies aériennes dans le monde à la suite de la tragédie du vol Addis Abeba-Nairobi d'Ethiopian Airlines.

Le ciel européen s'est progressivement fermé au dernier né de l'avionneur américain: banni d'abord par la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas, l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA) a suspendu tous les vols de ces appareils, depuis 19H00 GMT, qu'il s'agisse des MAX 8 ou des MAX 9, que ce soit à destination, au départ, ou à l'intérieur de l'Union européenne et que les opérateurs soient européens ou issus de pays tiers. La Suisse a elle aussi interdit ces avions dans son espace aérien.

Le président américain s'est, lui, entretenu avec Dennis Muilenburg, patron de Boeing, par téléphone sur cette crise, a indiqué à l'AFP une source industrielle. Donald Trump s'était fendu plus tôt d'un tweet déplorant la complexité des avions modernes. "Il n'y a plus besoin de pilotes mais plutôt d'informaticiens du MIT (Massachusetts Institute of Technology)", avait-il ironisé.

Jusqu'à présent, l'agence fédérale de l'aviation américaine, la FAA, a simplement demandé des modifications portant sur des systèmes automatisés dont le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) qui aide à éviter un décrochage des 737 MAX.

"Nous continuons à être impliqués dans l'enquête sur l'accident et prendrons les décisions sur les suites à donner en fonction des éléments récoltés", a assuré une porte-parole.

De nombreux élus américains ont alors exhorté cette autorité à appliquer le principe de précaution après l'accident d'un 737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines qui a fait 157 morts, dimanche, quelques mois après la tragédie ayant frappé un avion du même type de la compagnie indonésienne Lion Air, faisant 189 victimes.

"La FAA devrait clouer au sol le 737 MAX jusqu'à ce que (...) nous soyons sûrs que l'avion soit prêt à voler", a ainsi préconisé le sénateur républicain Mitt Romney sur Twitter.

"La FAA devrait changer sa position et immobiliser cet avion aux Etats-Unis jusqu'à ce que la sécurité soit garantie", a également demandé la sénatrice Elizabeth Warren, candidate à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine de 2020, tandis que le sénateur républicain Ted Cruz a jugé qu'"il serait prudent pour les Etats-Unis de clouer au sol temporairement les 737 MAX jusqu'à ce que la FAA confirme que la sécurité est assurée pour ces avions et leurs passagers".

Dans le sillage de l'Europe, l'Inde a, elle aussi, annoncé qu'elle clouait au sol les 737 MAX. "Ces avions ne voleront pas tant que des modifications appropriées et des mesures ne seront pas prises pour assurer leur sûreté", a indiqué le ministère de l'Aviation civile.

A l'inverse, le Canada restait encore aux côtés des Etats-Unis en continuant à faire voler les MAX 8.

L'interdiction de vol pour un avion récent est un camouflet inédit dans l'histoire de l'aviation civile. Pourtant, elle ne devrait pas semer le chaos dans le trafic aérien mondial.

Les 737 MAX ne sont en effet entrés en service qu'en mai 2017. Plus de 370 appareils de cette famille volent dans le monde aujourd'hui, un chiffre à mettre en regard des quelque 19.000 avions d'au moins 100 passagers en service au niveau international, tous modèles confondus, selon une étude publiée en 2018 par Airbus.

Les investisseurs ont eux sanctionné Boeing alors que le 737 MAX est un programme essentiel pour le groupe: le titre du géant de l'aéronautique ayant plongé de 6,15% mardi après avoir déjà cédé 5,33% la veille.

Panique des passagers américains

Les personnels navigants et les passagers aux Etats-Unis se sont eux aussi montrés inquiets, beaucoup refusant désormais d'embarquer sur cet appareil.

Le syndicat des personnels navigants (APFA), représentant des salariés d'American Airlines, a encouragé ses membres à ne pas monter à bord d'un 737 MAX 8 s'ils ne se sentaient pas en sécurité.

Avant l'Europe, l'Asie avait déclenché l'offensive contre les avions moyen-courriers de Boeing, avec des suspensions ou interdictions de vols de l'Australie, de la Malaisie, de Singapour et du sultanat d'Oman, et surtout de la Chine, où 76 de ces appareils ont été livrés.

Si les causes de cet accident ne sont pas encore connues, l'accident de Lion Air avait braqué l'attention sur les sondes d'angle d'attaque (AOA) reliée au système de stabilisation de l'avion (MCAS). Un dysfonctionnement de ces outils peut conduire l'ordinateur de bord, pensant être en décrochage, à mettre l'appareil en "piqué" alors qu'il faudrait au contraire le redresser.

Sur le site de l'accident en Ethiopie, les enquêteurs de l'Agence éthiopienne de l'aviation civile ont été rejoints par une équipe technique de Boeing et par des enquêteurs américains des autorités de l'aviation civile.

Les deux boîtes noires --l'une contenant les données techniques du vol et l'autre l'enregistrement des discussions et des alarmes dans le cockpit-- ont été retrouvées lundi. Elles pourraient être exploitées par le NSTB, autre régulateur du transport aérien américain.

Sollicité par l'AFP, ce dernier s'est refusé à tout commentaire, relevant que la communication relevait des autorités éthiopiennes.

afp/rp