Paris (awp/afp) - Les dirigeants d'Intermarché et d'Auchan, qui doivent racheter la plupart des magasins grand format de Casino, ont "pris des engagements" concernant la préservation de l'emploi auprès du gouvernement, a assuré Bruno Le Maire jeudi, alors que le groupe aux abois avance dans la restructuration de sa dette.

"J'ai reçu hier les dirigeants d'Intermarché et d'Auchan. Je leur ai dit: +Ecoutez-moi, je vous demande une seule chose: vous devez préserver l'emploi+. Ils ont pris des engagements et je veillerai à ce que ces engagements soient tenus", a indiqué le ministre de l'Economie jeudi sur Europe 1.

M. Le Maire, après avoir "reçu les syndicats de Casino il y a une semaine", les a vus de nouveau jeudi "pour leur dire que la protection de l'emploi" constitue sa "priorité absolue".

Particulièrement inquiète pour la "casse sociale" du siège, l'intersyndicale a demandé au ministre "le meilleur accompagnement social possible" pour les salariés concernés, a-t-elle indiqué à l'AFP.

Les représentants des 50.000 salariés du groupe en France (sur 200.000 dans le monde à fin 2022) craignent une forte casse sociale depuis que Casino s'est dit prêt à céder la quasi-totalité de ses magasins grand format - hyper et supermarchés - en raison de la dégradation de sa santé financière.

"Far-West social"

La direction du groupe, qui compte aussi les enseignes Monoprix et Franprix, a indiqué mardi à l'AFP que près de 12.300 emplois sont concernés par un changement d'enseigne dans le cadre du projet de cession de 313 super et hypermarchés.

Les salariés craignent de leur côté 6.000 suppressions d'emplois, notamment dans les sièges et la logistique. D'autant que Casino s'était déjà engagé en mai à céder au groupement Les Mousquetaires/Intermarché 119 autres magasins.

Le groupe pourrait ainsi perdre des magasins pesant un petit tiers des ventes réalisées en France en 2022.

Si Intermarché et Auchan veulent maintenir les emplois en magasin, les syndicats alertent sur le fait qu'"un emploi Casino ne vaut pas un emploi Intermarché, où c'est le Far-West social", affirmait mardi Jean Pastor (CGT), un des porte-parole de l'intersyndicale.

Ils craignent par ailleurs qu'Auchan "franchise ou mette en location-gérance l'ensemble des magasins qu'ils auront repris à Casino", a précisé M. Pastor, lors d'une conférence de presse. Interrogée sur ce point par l'AFP, la direction du distributeur appartenant à la galaxie Mulliez n'a pas fait de commentaire.

Les syndicats de Casino ont appelé les salariés à la mobilisation à l'approche des fêtes de Noël, temps fort de la consommation en France, vendredi dans les entrepôts de la filiale Easydis, et samedi dans les magasins Casino.

Plusieurs étapes

Dans ce contexte social, le groupe avance dans la restructuration de sa dette, qui doit être effective en mars/avril 2024. Les administrateurs judiciaires à son chevet ont convoqué actionnaires et créanciers "pour se prononcer" d'ici au 11 janvier "sur les projets de plan de sauvegarde accélérée", a annoncé jeudi dans un communiqué Casino.

Dans le détail, les créanciers notamment pourront voter "de manière électronique entre le 21 décembre 2023 et le 10 janvier 2024", avec comptabilisation des votes le 11 janvier. Les actionnaires sont eux invités à voter "en présentiel" le 11 janvier, précise le groupe.

Ils doivent se prononcer sur le projet dessiné fin juillet prévoyant une augmentation de capital par les candidats à la reprise Daniel Kretinsky, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds britannique Attestor, qui va fortement diluer les actionnaires actuels, à commencer par celui qui est encore PDG pour quelques mois, Jean-Charles Naouri.

Le plan prévoit aussi un fort écrasement de la dette, autour de 5 milliards d'euros, lésant les créanciers du groupe.

L'issue du vote ne fait normalement pas de doute, les grands créanciers ayant déjà donné leur accord à ce plan supervisé par les autorités françaises. Et le fait que le groupe soit entré fin octobre en période dite de sauvegarde accélérée permet d'embarquer les créanciers récalcitrants "de manière contrainte s'il le faut", selon plusieurs sources.

Cette période de sauvegarde accélérée court jusqu'au 25 février. Plusieurs étapes resteront à franchir, notamment l'obtention d'autorisations réglementaires dans le cadre du contrôle des fusions et des investissements étrangers, ainsi qu'une dérogation de l'Autorité des marchés financiers (AMF) à l'obligation de dépôt d'une offre publique (OPA) sur Casino.

afp/rp