Un exemple caractérisé est fourni par l’épicier en ligne HelloFresh, un temps position du portefeuille Europe PEA de Zonebourse. Réalisé fin 2019, juste avant que ne débute une glorieuse phase de croissance qui avait vu son cours de bourse quadrupler, cet investissement typique de nos stratégies à la croisée des chemins fondamentaux et momentum avait délivré une excellente performance.

Cela ne nous avait pas empêché, à l’époque, de pointer du doigt les risques — risques qui justifièrent d’ailleurs la sortie progressive de l’action du portefeuille, définitivement achevée début 2021. Nos réserves avaient grandi avec le temps, et nous avions fini par pivoter à 180 degrés dans notre perception de l’entreprise.

Ecartelé entre un coût d’acquisition de la clientèle très élevé et un plafond de verre indépassable sur ses propres prix, soumis à un « churn » — un taux d’annulation des abonnements — critique et un impératif capitalistique grandissant mais à la rentabilité somme tout médiocre, le modèle économique de HelloFresh donnait finalement peu de gages de viabilité. 

Pour preuve : le chiffre d’affaires a doublé en trois ans, mais les marges se sont effondrées et l’exploitation est revenue dans le rouge. La croissance aux Etats-Unis déçoit et, vendredi, le management prévenait que non seulement l’hémorragie de cash avait continué en 2023, mais qu’en plus elle allait s’amplifier en 2024.

On apprenait hier que profit d’exploitation avant amortissements, ou EBITDA, devrait encore diminuer d’un quart sur les douze prochains mois. L’action chutait de 42% dans la foulée de l’annonce, pour revenir ainsi tout droit à son niveau de 2019. Sur la base de sa valeur d’entreprise — capitalisation boursière plus dette nette — HelloFresh tombe ainsi à une valorisation de x4 son EBITDA. 

Le prétexte du management sent bon le réchauffé, avec une compression des marges doublement justifiée par une hausse des budgets marketing — ceci alors que le service perd des abonnés — et par une hausse des investissements dans la chaîne de production — malgré une croissance qui patine. 

Difficile ici de ne pas faire le rapprochement entre l’allemand et son rival américain Blue Apron. Lui aussi avait connu une phase de croissance météorique entre 2014 et 2017, mais il affronte depuis une érosion continue de ses ventes et n’a jamais réalisé le moindre centime de profit. 

Que le marché de l'épicerie — le plus important dans le budget des ménages après l'habitat — reste massivement sous-pénétré par le commerce en ligne ne signifie pas qu’il soit possible d’y prospérer. Fin 2023, Blue Apron était racheté à une valorisation équivalente au quart de son chiffre d’affaires. 

C’est peu ou prou le niveau vers lequel HelloFresh s’est effondré. Les actionnaires toujours à bord en sont donc résolus à espérer l’arrivée d’un chevalier blanc. On aurait pu imaginer un grand distributeur jouer ce rôle, mais hélas l’empreinte transatlantique d’HelloFresh poserait ici problème. 

Difficile, dans ces conditions, d’imaginer le groupe échapper à une recapitalisation ou une restructuration.