Tokyo (awp/afp) - Avant l'ouverture jeudi du Tokyo Game Show, l'un des plus grands salons de jeu vidéo au monde, voici quelques faits à connaître sur le marché japonais du "dixième art".

Troisième marché mondial

Le Japon était en 2022 le troisième marché mondial pour le jeu vidéo après les Etats-Unis et la Chine, d'après le cabinet d'analyse de marché Statista.

Il a généré l'an dernier quelque 2.000 milliards de yens (13,7 milliards de dollars au taux actuel) de revenus, en légère progression de 1,4% sur un an, alors que le marché mondial a lui reculé de 7%, selon le "Livre blanc du jeu vidéo" publié par l'institut de recherche Kadokawa Ascii.

Le jeu sur mobile est roi

Le jeu mobile se taille la part belle au Japon: plus de 60% des revenus générés par le jeu vidéo, selon Kadokawa Ascii, qui estime qu'un tiers de la population nippone s'y adonne.

Cette lucrative machine, où sont présents la plupart des grands éditeurs de jeu comme Square Enix ou Konami, est alimentée par les achats réalisés à l'intérieur des jeux notamment via les "gacha", un système aléatoire donnant aux joueurs une faible chance d'obtenir des objets rares.

"Pour obtenir des personnages, beaucoup de gens dépensent des dizaines de milliers de yens (des centaines d'euros, NDLR) d'un coup", explique Hideki Yasuda de Toyo Securities. Beaucoup moins apprécié des joueurs occidentaux, le gacha est "un phénomène essentiellement est-asiatique", note l'analyste.

La popularité du jeu sur mobile, souvent attribuée aux longues heures passées par les travailleurs et écoliers japonais dans les transports en commun, est aussi due à la maturité du marché local, pour Serkan Toto de la firme tokyoïte Kantan Games. Le développeur mobile japonais Gree revendique ainsi la création dès 2007 du premier "jeu social" au monde.

Un "Monster" sacré au sommet des ventes

Abondamment monétisé via le gacha, le jeu mobile le plus lucratif au Japon en 2022 s'appelle "Monster Strike". Mélangeant éléments de jeu de rôle, mécaniques de billard et collection de monstres à la "Pokémon", il a ainsi rapporté l'an dernier près de 600 millions de dollars à son éditeur, Mixi.

Déjà d'un âge vénérable, le jeu lancé en 2013 a été adapté en dessin animé et films d'animation et fait régulièrement l'objet de concerts et autres événements. Son succès est cependant resté largement japonais: introduit également en Chine, en Corée du Sud et aux Etats-Unis, il n'est plus accessible hors-archipel depuis 2017.

Tropisme national

A l'inverse, les jeux étrangers peinent à s'imposer en terre japonaise: le Top 10 des titres pour consoles les plus vendus en 2022, au sommet duquel trône le duo Pokémon Ecarlate/Violet, ne compte qu'un seul jeu non-japonais: "Minecraft" du suédois Mojang, racheté en 2014 par Microsoft.

Pour Hideki Yasuda, cette tendance est avant tout une histoire de choix de consoles: Minecraft, comme 9 des 10 entrées de ce classement établi par le magazine Famitsu, est disponible sur la console Switch de Nintendo, dominant le marché japonais, où Sony n'a vendu que 10% environ de ses PlayStation 5.

Par ailleurs, Minecraft "a un style artistique extrêmement abstrait", souligne Serkan Toto, pour qui "les joueurs japonais n'acceptent pas vraiment le style occidental en matière de direction artistique, de conception, de narration, etc."

Les Japonais montrent par ailleurs peu d'appétit pour des genres très populaires chez les Occidentaux mais aussi certaines parties de l'Asie, comme le jeu de tir à la première personne ou les simulations sportives, ajoute ce spécialiste du marché nippon.

Engouement pour la "blockchain"

Si nombre d'éditeurs occidentaux se montrent sceptiques sur l'adoption dans le jeu vidéo de la chaîne de blocs ou "blockchain", la plupart des principaux acteurs nippons du secteur (Square Enix, Bandai Namco, Sega...) ont rapidement misé sur cette technologie de stockage et de transmission décentralisés de l'information, sur laquelle reposent par exemple les cryptomonnaies.

Les éditeurs explorent notamment les possibilités d'utilisation des NFT (oeuvres numériques uniques) pour représenter des personnages, cartes ou objets qui peuvent être transférés entre joueurs dans le jeu ou en-dehors, et éventuellement monnayés, ou des mécaniques permettant de gagner des cryptomonnaies en jouant.

Beaucoup "pensent que la blockchain est la prochaine grande étape" pour le jeu vidéo et "veulent en être les pionniers, sous peine de se faire distancer", estime M. Toto.

afp/jh