En huit ans, de 2015 à mi-2023, Kura a ouvert 37 nouveaux sites en Amérique du Nord. La chaîne en exploite désormais 45, tous détenus en propre : si le succès de son concept se confirme, une opportunité de développement via des réseaux de franchisés pourrait se présenter. 

En l'état, le groupe n'est pas encore profitable sur une base consolidée, quoiqu'il s'approche de l'équilibre. Un restaurant réalise en moyenne $3.8 millions de ventes, pour un profit d'exploitation après amortissements de $0.2-0.3 millions en 2022. 

Cette performance est bien en-deçà des meilleures chaînes du secteur de la restauration, généralement concentrées sur le segment de la restauration rapide. Il faut dire que la matière brute de Kura — le poisson — est plus onéreuse. 

Le modèle économique repose évidemment sur l'échelle et le levier opérationnel de la structure. Cette dernière conserve une part de coûts fixes plus ou moins stable au fil de la croissance, progressivement amortie au fur et à mesure des ouvertures de nouveaux restaurants — sous réserve bien sûr que leur exploitation soit profitable.

Or, si sur le papier la croissance des ventes par restaurant est excellente — +11% sur le premier semestre 2023 par rapport à l'exercice précédent — elle ne suffit absorber la très forte inflation. En conséquence, la profitabilité par restaurant décline de presque 50% par rapport à 2022.

Cette conjoncture déprime considérablement les retours sur investissement lors des ouvertures de nouveaux restaurants : autrefois ancrée autour de 35% — dans la moyenne haute du secteur — elle décline désormais dans une fourchette de 15%-20%.

A plus de x65 le profit d'exploitation avant amortissements (EBITDA), cette évolution défavorable ne se reflète guère dans la valorisation du groupe — ceci malgré la chute prononcée du cours de bourse. 

La capitalisation boursière de $660 millions implique ainsi une valorisation par restaurant de $14.6 millions, soit plus de quatre fois leur valeur de remplacement, et entre x40 et x60 leur profit d'exploitation après amortissements (EBIT) moyen. 

Un tel multiple ne pourrait se justifier que par un immense marché adressable et une profitabilité par restaurant hors-du-commun. Kura, a priori, n'a ni l'un ni l'autre puisque la chaîne estime son potentiel aux Etats-Unis à 300 restaurants environ, soit six plus qu'aujourd'hui. 

Par ailleurs, ses comparables ont connu des précédents douloureux sur le marché américain : Benihana et Wagamama peinent à croître, là où Kona Grill a carrément fait faillite. Kura s'en est plutôt bien sorti, mais à de tels niveaux la valorisation du moment n'en demeure pas moins très optimiste.