Paris (awp/afp) - Sur des sommets parfois historiques, les indices européens supplantent la performance des marchés américains, tirés par les valeurs cycliques qui bénéficient du déconfinement.

Composé des plus grosses valeurs européennes, l'indice Eurostoxx50 a progressé de près de 15% depuis le début de l'année, devant le S&P 500 (+11,3%), le Dow Jones (+12,6%), et surtout l'indice à forte coloration technologique Nasdaq (+5,6%).

Quelles sont les raisons principales de ce décalage plutôt peu fréquent?

Une question de rattrapage ?

La reprise étant beaucoup plus prononcée aux Etats-Unis qu'en Europe, "les investisseurs se positionnent sur l'Europe pour bénéficier d'un rattrapage", explique Laurent Le Grin, directeur général de DPAM France.

Face à ce décalage, le marché tempère la partie américaine qui a déjà "davantage profité" des soutiens monétaires des autorités. Et ce d'autant plus que la Fed pourrait ouvrir la porte à moyen terme à une réduction de son programme de rachats d'actifs ou à une hausse des taux.

Les investisseurs jouissent aussi d'une "meilleure visibilité" sur l'Europe, la crise ayant apporté "plus de cohérence au projet européen", ce qui renforce l'appétit pour les actions du Vieux Continent, relève Alexandre Baradez, analyste chez IG France.

L'effet d'une rotation sectorielle ?

Les indices sont beaucoup moins sensibles à la composante technologique en Europe qu'aux Etats-Unis. Or, c'est la catégorie qui peine le plus depuis quelques mois en raison du spectre de l'inflation qui plane au-dessus des marchés.

Les Bourses européennes sont en revanche plus exposées aux valeurs cycliques traditionnelles comme celles du tourisme, des loisirs, du pétrole, des banques, des matières premières, qui avaient beaucoup souffert l'an dernier mais qui tirent les indices à la hausse depuis plusieurs mois.

"En 2021, les regards se portent vers les valeurs qui vont bénéficier du déconfinement", et ce, d'autant plus qu'avec la montée de l'inflation, "les perspectives des gains futurs des structures technologiques pourraient être réduites", résume Lionel Tangy-Malca, président de Homa Capital.

"Les investisseurs préfèrent mettre de l'argent là où se joue la reprise. Le marché allège une poche qui vaut cher pour en acheter d'autres qui valent moins cher", abonde Alexandre Baradez.

Cette rotation sectorielle s'est intensifiée vers la mi-février au moment où les marchés ont commencé à anticiper une inflation plus élevée, ce qui s'est traduit par une remontée des taux d'emprunt américains.

Pourquoi une longueur d'avance à Paris ?

Affichant une hausse de 17% depuis le début de l'année, le CAC 40 se porte mieux que les autres marchés européens (l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne affichent des gains entre 13 et 14%). Seule la Bourse autrichienne (+26%) fait mieux que la place parisienne.

"La surperformance du CAC 40 est nette en Europe mais il n'y a pas un mouvement spécifique en faveur de la France", plutôt "en faveur d'un nombre significatif de valeurs qui ont une progression importante dans l'indice CAC 40", observe Daniel Larrouturou, gérant chez Dôm Finance.

C'est le cas du secteur du luxe, qui représente plus d'un quart de l'indice phare parisien. Le géant mondial du luxe LVMH qui pèse à lui seul près de 15% du CAC 40 a pris 28% depuis le début de l'année. L'Oréal qui compte pour environ 10% du CAC 40 affiche une performance de 20%, Hermès de 32% et Kering de 25%.

De nombreuses valeurs industrielles bien implantées à l'international réalisent aussi une performance significative.

Le CAC 40 est également moins exposé aux valeurs automobiles que son pendant allemand, le Dax. Or, comme l'euro s'est apprécié face au dollar, "cela est plus pénalisant pour une économie exportatrice comme l'Allemagne", note M. Le Grin.

Encore du potentiel pour la suite ?

"A moyen terme, les valeurs cycliques ont une meilleure carte à jouer que la partie valeurs de croissance parce qu'il y a justement cette phase de reprise", de l'économie encore à venir en Europe, estime M. Baradez.

"Le terrain est très favorable à ce que la tendance haussière se poursuive sur les gros indices européens à un horizon de quelques mois" grâce à un "vrai matelas de soutien budgétaire et monétaire toujours présent", selon lui.

Mais si les gros indices américains venaient à consolider pour des questions de politique monétaire, l'Europe devrait, estime-t-il, suivre le même mouvement baissier.

afp/ck