PARIS (awp/afp) - Est-ce bien utile de brider les moteurs des voitures, comme l'a annoncé Renault vendredi? Les spécialistes sondés par l'AFP se montrent plutôt sceptiques dans la mesure où la vague de l'électrique devrait de toute façon faire baisser la vitesse.

. Qu'a annoncé Renault?

Le directeur général de Renault, Luca de Meo, a annoncé vendredi que la vitesse serait "plafonnée selon les véhicules et ne dépassera pas les 180km/h", chez Renault et Dacia. Objectif affiché, "agir" sur la vitesse, qui "représente plus d'un tiers des causes d'accidents mortels".

"Vous avez déjà vu une Clio rouler à 180 km/h, vous?", réagit Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes. Il fustige l'"inutilité" d'une telle mesure, d'autant que les amateurs de vitesse ne roulent généralement "pas en Renault".

"On parle d'un constructeur généraliste de milieu de gamme", abonde un autre spécialiste automobile, qui ne souhaite pas être cité. La portée de l'annonce aurait été différente si elle avait été effectuée par Porsche, par exemple.

. Quels précédents?

Le constructeur d'origine suédoise Volvo avait pris la même décision en 2020, avec 180 km/h comme limite. Ce "n'est pas une panacée, mais cela vaut la peine de le faire si cela permet de sauver ne serait-ce qu'une vie", argumentait Håkan Samuelsson, son président, en mars 2019.

Volvo ambitionnait alors d'"ouvrir le débat sur ce que les constructeurs ont le droit, ou peut-être même l'obligation de faire, quant à l'introduction de technologies modifiant le comportement des conducteurs pour s'attaquer aux sujets comme la vitesse, l'ébriété ou l'inattention".

Certains constructeurs, comme Ford, ont également mis en place sur certains modèles un limiteur de vitesse automatique, en fonction des panneaux signalétiques.

. Quel impact sur les consommateurs?

Chaque année, l'observatoire Cetelem de la consommation sonde l'opinion des automobilistes dans plus d'une dizaine de pays. Il en ressort que "la puissance d'un moteur, sa vitesse de pointe, n'est pas un critère pour l'écrasante majorité d'entre eux", explique son directeur Flavien Neuvy.

Le critère d'achat N.1 est le prix, le second, la fiabilité et le troisième, le design. "Les critères de performance environnementale, comme de la vitesse, arrivent très loin derrière", détaille-t-il.

Toutefois, "un constructeur affichant sa volonté d'aller dans ce sens de plus de sobriété, cela ne peut pas être négatif pour son image", estime encore le spécialiste.

. Et sur la sécurité?

"La politique du en-même-temps ne fonctionne pas en sécurité routière", critique Chantal Perrichon, la présidente de la Ligue contre la violence routière. "On ne peut pas à la fois continuer de vendre des véhicules qui vont au delà des limitations de vitesse et prétendre qu'on agit sur ce sujet".

Elle rappelle que "la vitesse demeure le premier facteur de mort sur la route, avant l'alcool, le téléphone ou le non port de la ceinture de sécurité" et ne voit rien de plus qu'un "effet d'annonce" de la part de Renault. Elle plaide notamment pour la mise en place d'un limiteur automatique s'adaptant à la vitesse autorisée.

. Quel avenir?

Justement, Luca De Meo a annoncé vendredi que les futurs véhicules Renault seraient "équipés d'un régulateur automatique réglé par défaut qui s'ajustera à la vitesse autorisée, selon les panneaux et les données de géolocalisation".

"Ils commencent à faire ce genre d'annonces parce que les véhicules électriques ne peuvent pas rouler à plus de 100 km/h sans engloutir toute la batterie", estime Pierre Chasseray.

Flavien Neuvy envisage aussi que "la transition forcée vers l'électrique" favorise "un autre rapport à l'automobile, avec des véhicules dans lesquels il ne sera pas possible de rouler à de telles vitesses pendant des heures".

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